VERSION LONGUE EN FRANÇAIS

En application des dispositions de l'article 595 C du chapitre 28 du Code des États-Unis, le bureau du procureur indépendant établit par les présentes que le président William Jefferson Clinton a commis des actes de nature à qualifier une mise en accusation [impeachment]. L'examen révèle que le président Clinton :

- a mensongèrement témoigné sous serment lors de la déposition civile qu'il a faite à l'occasion de l'instance introduite à son encontre pour harcèlement sexuel ;

- a témoigné mensongèrement devant le grand jury ;

- a tenté d'influencer le témoignage d'un témoin potentiel qui avait une connaissance directe des faits qui auraient révélé le caractère mensonger de sa déposition ;

- a tenté d'entraver l'exercice de la justice en facilitant le dessein d'un témoin de ne pas déférer à une citation à comparaître ;

- a tenté d'entraver l'exercice de la justice en encourageant un témoin à établir une attestation que le président savait mensongère et par la suite en utilisant cette attestation mensongère lors de sa propre déposition ;

- a menti à des témoins potentiels du grand jury en sachant qu'ils répéteraient ses mensonges face au grand jury ;

- a eu un type de conduite contraire aux obligations constitutionnelles qui étaient les siennes de respecter le droit.

Il est établi que ces actes et d'autres font partie d'un processus dont l'objet à l'origine était d'empêcher la révélation de la relation du président avec une ancienne stagiaire de la Maison Blanche et employée et, par la suite, d'empêcher cette accusation d'être révélée lors de l'enquête pénale en cours.

[Le rapport Starr indique ensuite qu'il appartient au Congrès de statuer ou non sur la mise en accusation du président. Le président a droit, comme tout citoyen, à une vie privée, mais cette vie privée a des limites, explique le procureur indépendant. La première : dans tout procès pour harcèlement sexuel, la vie privée est forcément évoquée, sinon ce délit ne pourrait jamais être sanctionné. Deuxièmement, témoigner mensongèrement ou refuser de répondre à des questions constitue une entrave à l'exercice de la justice. Troisièmement, le président n'est pas le simple chef de l'exécutif : il incarne de la façon la plus absolue l'idéal américain et ses valeurs. Il doit remplir " fidèlement " son rôle et respecter à tout moment les lois.]

I. Nature des relations du président Clinton avec Monica Lewinsky

Cette partie avance l'information importante et crédible selon laquelle le président Clinton a fait obstruction à la justice, de façon criminelle, d'abord dans un procès pour harcèlement sexuel, puis dans le cadre d'une enquête du grand jury.

Une preuve physique établit que le président et Mlle Lewinsky ont eu des relations d'ordre sexuel. Après avoir négocié un accord d'immunité et de coopération avec le bureau du procureur indépendant, le 28 juillet 1998, Mlle Lewinsky a livré une robe bleu marine qu'elle affirme avoir portée lors d'une rencontre sexuelle avec le président le 28 février 1997. Selon ses dires, elle avait remarqué des taches sur le vêtement en le retirant de son armoire. Vu leur situation, elle présuma qu'il s'agissait du sperme du président.

Les premiers tests ont révélé qu'il s'agissait bien de sperme. Le bureau du procureur a demandé au président un prélèvement sanguin. Après s'être assuré du bien-fondé de la requête, le président a accepté (...). Le laboratoire du FBI a conclu que le président était la source de l'ADN obtenu de la robe (...).

Mlle Lewinsky a été très longuement interrogée sur ses relations avec le président. Pour évaluer d'abord sa crédibilité, elle a dû se soumettre à un interrogatoire " d'offre " détaillé le 27 juillet 1998. Après l'accord de coopération, elle a été interrogée pendant une quinzaine de jours. Elle a aussi témoigné sous serment à trois occasions (...). De plus, elle a travaillé avec les procureurs et enquêteurs pour élaborer un tableau de 11 pages qui recense chronologiquement ses contacts avec le président Clinton, incluant à la fois ses rencontres, échanges téléphoniques, cadeaux et messages. Elle en a par deux fois assuré la véracité sous serment.

De l'avis des procureurs et enquêteurs expérimentés, Mlle Lewinsky a fourni une information fiable. Elle n'a pas accusé à tort le président. Lui faire du mal, a-t-elle affirmé, est " la dernière chose au monde que je veux faire ".

[Le bureau de M.  Starr pense avoir pris toutes les précautions pour s'assurer que Monica Lewinsky dit toute la vérité, puisque l'accord conclu avec elle stipule qu'au moindre mensonge, elle perdra l'immunité accordée et se verra opposer ses premiers aveux, lesquels reconnaissaient une violation de la loi. ]

Entre 1995 et 1998, Mlle Lewinsky s'est confiée à 11 personnes à propos de ses relations avec le président. Elles ont toutes été interrogées par le bureau du procureur : Andrew Bleiler, Catherine Allday Davis, Neysa Erbland, Kathleen Estep, Deborah Finerman, Dr. Irene Kassorla, Marcia Lewis, Ashley Raines, Linda Tripp, Natalie Ungvari et Dale Young. (...).

Plusieurs des récits faits à l'époque par Mlle Lewinsky ont été gardés. Il y a notamment des e-mails effacés qui ont pu être récupérés sur son ordinateur personnel ainsi que dans son bureau du Pentagone, d'autres messages électroniques conservés par deux de leurs destinataires, des enregistrements des conversations entre Mlle Lewinsky et Mme Tripp [une ancienne collaboratrice de la Maison Blanche] et des notes prises par Mme Tripp (...).

[Il s'agit de papiers divers, lettres ou brouillons de lettres, calendriers annotés et archives trouvés dans l'appartement de Monica Lewinsky ou son bureau du Pentagone.]

En raison de la façon dont l'enquête fut menée, une énorme quantité de preuves a été disponible pour tester et vérifier les dépositions de Mlle Lewinsky. Ses déclarations ont donc été corroborées à un très haut degré. Ses récits détaillés devant le grand jury et le bureau du procureur en 1998 sont cohérents à la fois avec les récits faits à ses confidents et remontant à 1995, ses divers écrits et les preuves physiques. De plus, ses comptes -rendus correspondent généralement avec le témoignage du personnel de la Maison Blanche, celui des agents et officiers des services de sécurité, et les registres de la Maison Blanche consignant les entrées et sorties de Mlle Lewinsky, les déplacements du président et ses appels téléphoniques.

Dans sa déposition du 17  janvier 1998, le président a nié avoir eu une " aventure sexuelle ", des " relations sexuelles ", ou " une liaison sexuelle " avec Mlle Lewinsky. Il remarqua qu'" il n'y a pas de rideaux dans le bureau ovale, pas de rideaux dans mon bureau personnel, pas de rideaux ni de stores sur les fenêtres de ma salle à manger privée ", et il a ajouté : " J'ai fait tout ce que j'ai pu pour éviter le type de questions que vous me posez aujourd'hui. "

Témoignant devant le grand jury, le 17 août 1998, sept mois après sa déposition dans l'affaire Paula Jones, le président a reconnu " un contact intime inapproprié " avec Mlle Lewinsky mais a maintenu que sa déposition de janvier était exacte. D'après lui, " ce qui a commencé comme une amitié a amené à ce comportement " (...).

Le président a refusé de répondre aux questions touchant à la nature précise de ses contacts intimes avec Mlle Lewinsky, mais il s'est expliqué sur ses premières dénégations. Il a maintenu qu'il ne peut y avoir de relation sexuelle sans pénétration, quelles que soient les autres activités sexuelles qui aient pu se produire. Il a affirmé que " la plupart des Américains ordinaires " approuveraient cette distinction.

Le président a aussi maintenu qu'aucun de ses contacts sexuels avec Mlle Lewinsky ne relevait de " relations sexuelles " selon la définition particulière utilisée dans l'affaire Paula Jones : une personne s'engage dans des " relations sexuelles " lorsqu'elle a sciemment des contacts avec les parties génitales, l'anus, les testicules, les seins, l'intérieur de la cuisse, ou les fesses de toute personne dans l'intention d'éveiller ou de satisfaire son désir sexuel... " Contact " signifie toucher intentionnellement, que ce soit directement ou à travers les vêtements.

[Selon le président, la personne sur laquelle est pratiquée une fellation n'est donc pas concernée par cette définition, " aucun contact n'étant établi avec aucune des parties figurant sur cette liste, mais avec les lèvres d'une autre personne (...) ."]

Si Mlle Lewinsky a pratiqué une fellation sur le président, alors, selon cette interprétation, elle a eu des relations sexuelles, mais pas lui. Le président a refusé de répondre à la question de savoir si, en réalité, Mlle Lewinsky lui avait fait une fellation. Il a assuré qu'un contact direct avec la poitrine ou les parties génitales de Mlle Lewinsky serait tombé sous le coup de la définition, mais il a nié avoir eu un tel contact.

(...) Mlle Lewinsky contredit le président sur une question primordiale. Selon elle, le président a touché ses seins et ses parties génitales, ce qui signifie que sa conduite entre dans la définition - établie dans le cadre du dossier Paula Jones  - des relations sexuelles, même selon sa propre théorie. La preuve du parjure présidentiel ne peut être faite sans décrire de façon spécifique, explicite et éventuellement choquante des rencontres sexuelles.

Selon Mlle Lewinsky, ils ont eu dix rencontres sexuelles, huit pendant qu'elle travaillait à la Maison Blanche et deux ensuite. Elles avaient lieu généralement à l'intérieur ou à proximité du bureau privé attenant au bureau ovale, le plus souvent dans le couloir sans fenêtre y menant. Pendant la plupart de ces rencontres, le président s'appuyait contre l'encadrement de la porte de la salle de bains, en face du bureau du fond, ce qui, dit-il à Mlle Lewinsky, soulageait son dos douloureux. Mlle Lewinsky a déclaré que ses relations physiques avec le président incluaient la fellation, mais pas de rapports proprement dits (...) .

Mlle Lewinsky dit avoir pratiqué la fellation sur le président à neuf occasions. Chaque fois, le président a caressé et embrassé ses seins nus. Il a touché ses organes génitaux à travers ses vêtements et puis directement, l'amenant par deux fois à l'orgasme. Un jour, le président a inséré un cigare dans son vagin. Un autre jour, leurs sexes se sont touchés brièvement.

Alors que le président affirmait que " ce qui avait commencé comme une amitié avait abouti à un [contact intime] ", Mlle Lewinsky a expliqué que leur relation a évolué en sens inverse : " La dimension affective et amicale s'est développée après le début de notre relation sexuelle ".

Au fil du temps, les sentiments de Mlle Lewinsky envers le président se sont renforcés. Elle a déclaré : " Je n'avais jamais pensé tomber amoureuse du président. J'ai été surprise que cela arrive. " Mlle Lewinsky lui a fait part de ses sentiments. Parfois, elle a cru qu'il l'aimait aussi. (...)

Mlle Lewinsky a déclaré qu'ils " adoraient discuter et être ensemble " (...) . En plus de leurs face-à-faces, elle dit l'avoir eu au téléphone une cinquantaine de fois, souvent après 22  heures, et parfois, bien après minuit. (...) Dix ou quinze fois, ils ont eu des échanges sexuels téléphoniques. Après l'un d'entre eux, tard dans la nuit, le président s'est endormi au milieu de la conversation.

A quatre reprises, le président a laissé de brefs messages sur le répondeur téléphonique de Mlle Lewinsky, bien qu'il lui ait confié sa réticence à le faire, jugeant le procédé " dangereux ". Elle a conservé ses messages et a fait écouter les cassettes à plusieurs confidents, lesquels ont dit avoir cru qu'il s'agissait bien de la voix du président.

Que ce soit lors de face -à -face ou par téléphone, ils se sont parfois disputé. A plusieurs reprises l'année 1997, elle s'est plainte qu'il ne l'ait pas retransféré du Pentagone à la Maison Blanche comme il avait promis de le faire après l'élection. Lors d'une rencontre le 4 juillet 1997, le président lui a reproché une lettre dans laquelle elle menaçait avec des sous-entendus de révéler leur relation. Lors d'une dispute le 6 décembre 1997, le président a, selon elle, affirmé qu'" il n'avait jamais été aussi mal traité par quiconque " (...).

Témoignant devant le grand jury, le président a confirmé qu'ils avaient bien eu des conversations personnelles, reconnaissant que leurs échanges téléphoniques comprenaient parfois un badinage sexuel " inapproprié ". (...)

Mlle Lewinsky et le président ont échangé de nombreux cadeaux. Selon elle, elle lui en a offert près d'une trentaine et en aurait reçu 18. (...) Mlle Lewinsky a, entre autres, donné au président six cravates, un presse-papiers de collection en forme de Maison Blanche, un étui à cigares en argent, une tasse au blason de Santa Monica, un coupe-papier décoré d'une grenouille. Il lui a notamment offert une épingle à chapeau, deux broches, une couverture, un petit ours en marbre et une édition spéciale du livre de Walt Whitman, Feuilles d'herbe.

Quand le président portait une cravate ou un autre de ses cadeaux, Mlle Lewinsky l'interprétait comme une signe d'affection, ce dont elle a témoigné. " Je lui disais : " J'aime bien quand tu mets une de mes cravates car alors je sais que je suis près de ton cœur ". Selon Mlle Lewinsky, le président était conscient de sa réaction et il portait l'un de ses cadeaux pour la rassurer, surtout les jours où ils avaient prévu de se voir, ou au lendemain d'une rencontre ou d'une discussion au téléphone. Le président lui disait alors : " As-tu remarqué que je portais ta cravate l'autre jour ? ".

Au cours de son témoignage devant le grand jury, le président a reconnu avoir échangé un certain nombre de cadeaux avec Mlle Lewinsky. Une fois que leur relation intime fut terminée, en 1997, il a assuré qu'" elle continuait à me donner des cadeaux. Et j'ai estimé que c'était la bonne chose à faire de les lui rendre. " (...)

Mlle Lewinsky et le président ont tous deux admis avoir pris des mesures pour préserver le secret de leurs relations. Dans une note manuscrite, Mlle Lewinsky avait noté : " Le président a demandé à Mlle L. de nier toute relation, si jamais on l'interrogeait à ce sujet ". Il a aussi dit quelque chose sur le fait que, si deux personnes qui ont une liaison disent que rien ne s'est passé, alors rien ne s'est passé. Selon Mlle Lewinsky, le président lui demandait parfois si elle avait parlé à quelqu'un de leurs relations sexuelles ou des cadeaux échangés ; elle lui a (faussement) assuré qu'il n'en était rien. Elle lui a dit " qu'elle nierait toujours, qu'elle le protégerait toujours ", et il acquiesçait. Tous deux avaient, selon leurs dires, une " entente commune " " pour " tenir cela privé, ce qui veut dire nier et (...) prendre toute mesure appropriée " Quand elle et le président furent obligés de témoigner dans l'affaire Paula Jones, Mlle Lewinsky imagina que " comme nous l'avions fait en d'autres occasions, nous nierions tout "

Devant le grand jury, le président a déclaré qu'il ne voulait " en aucun cas " que leur relations soient exposées au grand jour et il a ajouté : " Je ne voulais certainement pas que cela sorte, si je pouvais l'empêcher. Et j'étais préoccupé par ça. J'étais embarrassé par ça. Je savais que c'était mal. " A la question de savoir s'il voulait éviter que les faits soient connus à travers la déposition de Mlle Lewinsky dans l'affaire Paula Jones, il répondit : " Eh bien, je ne voulais pas qu'elle ait à témoigner et ait à subir tout ça. Bien sûr que je ne voulais pas qu'elle le fasse, bien sûr que non ".(...)

Après leurs deux premières rencontres sexuelles de novembre 1995, les autres eurent lieu généralement pendant les week-ends et ils faisaient semblant de se rencontrer par hasard. Le président préférait éteindre les lumières ou aller dans un hall sans fenêtre. Elle s'était énervée, alors qu'il l'embrassait, de l'avoir vu regarder par la fenêtre parce qu'il avait peur d'être vu. Elle avait trouvé cela peu romantique. Cette crainte de se faire repérer les obligeait à se contenir et ils ne sont jamais totalement déshabillés. Le président s'inquiétait des messages qu'elle pouvait lui faire parvenir, ainsi que des registres officiels qui pourraient permettre d'établir les preuves de leurs relations (...).

II. 1995 : premières rencontres sexuelles

Monica Lewinsky a commencé à travailler pour la Maison Blanche comme stagiaire du bureau du personnel en juillet 1995. Au cours des cérémonies publiques de la Maison Blanche, elle échangea des regards avec le président. Pendant la grève de l'administration en novembre 1995, le président l'invita dans son bureau privé, où ils s'embrassèrent. Plus tard dans la soirée, ils eurent un échange sexuel plus intime, puis un autre deux jours plus tard et un troisième le soir de la Saint-Sylvestre.

Monica Lewinsky a travaillé à la Maison Blanche d'abord comme stagiaire, puis comme employée de juillet 1995 à avril 1996 (...)Elle et le président commencèrent ce qu'elle appelle " un flirt intensif " dans le mois où elle commença son travail à la Maison Blanche (...)A l'automne 1995, une impasse budgétaire obligea le gouvernement fédéral à fermer pour une semaine, du mardi 14 novembre au lundi 20 novembre. Seuls quelque 90 employés sur les 430 de l'effectif de la Maison Blanche continuèrent à travailler. Les stagiaires, non payés, continuèrent leur travail et furent chargés de nombreuses tâches supplémentaires.

Pendant cette période, Mlle Lewinsky travaillait dans le bureau du chef de personnel, M. Panetta, où elle répondait au téléphone et servait de "garçon de bureau". Le président se rendit plusieurs fois dans le bureau de M. Panetta et échangea quelques mots avec Mlle  Lewinsky. Elle appelle ces rencontres " un flirt continu ".

Mlle Lewinsky a témoigné que le mercredi 15 novembre 1995, le deuxième jour de la grève marque le début de ses relations sexuelles avec le président. (...)Ils échangèrent des regards et furent seuls un moment dans le bureau. Elle souleva alors le bas de sa veste pour lui montrer le haut de son string qui dépassait de son pantalon.

Vers 20 heures, le président étant seul dans le bureau de George Stephanopoulos, il lui fit signe d'entrer. Elle lui dit qu'elle était attirée par lui. Cela le fit rire et il lui demanda si elle voulait voir son bureau privé. Une fois dans le bureau, selon le témoignage de Mlle Lewinsky, ils reconnurent qu'ils étaient attirés l'un par l'autre, et il lui demanda si elle pouvait l'embrasser. Ils s'embrassèrent et elle laissa au président son nom et son numéro de téléphone. Vers 22 heures, le président lui demanda de nouveau de le rejoindre. Quand on lui demanda si elle savait pourquoi, Mlle  Lewinsky a répondu : " J'avais mon idée ". Cette fois, les lumières étaient éteintes.

Selon Mlle Lewinsky, ils s'embrassèrent. Elle déboutonna sa veste. Ou elle défit son soutien-gorge, ou c'est lui qui le souleva ; et il lui toucha les seins avec ses mains et sa bouche. Elle a déclaré, que pendant qu'il était au téléphone, " il a mis ses mains dans mon slip pour stimuler manuellement mes parties génitales ". Le président étant toujours au téléphone, [avec un membre du Congrès ou un Sénateur], elle pratiqua sur lui une fellation. Après avoir raccroché, il lui demanda d'arrêter. Elle aurait voulu continuer, mais il lui dit qu'il ne la connaissait pas assez pour lui faire confiance. Puis il plaisanta et lui dit que ce genre de choses ne lui était pas arrivées depuis longtemps. Ils discutèrent avant et après et le président, en désignant son badge de stagiaire, lui dit que cela pouvait poser problème. Mlle Lewinsky pensa qu'il parlait d'un problème de sécurité, les stagiaires ne devant pas circuler seuls dans l'Aile ouest. Les registres de la Maison Blanche corroborent les assertions de Mlle Lewinsky. (...)

Selon Mlle Lewinsky, la deuxième rencontre sexuelle eut lieu deux jours plus tard, toujours pendant la grève, le vendredi 17 novembre. Elle a déclaré : " Nous avions dû travailler tard (...)et nous avions commandé des pizzas (...)J'ai été prévenir les autres quand elles ont été livrées (...)et quelqu'un (...)m'en a renversé sur ma veste . Donc , j'ai été la nettoyer dans les toilettes et quand j'en suis sortie, le président (...)m'a dit : "  Vous pouvez passer par ici.  " "

Mlle Lewinsky et le président s'embrassent, puis elle lui dit qu'elle doit retourner à son bureau. Il lui suggère alors de lui apporter de la pizza. Ce qu'elle fait. Selon le témoignage de Mlle Lewinsky , ils se sont alors embrassés et le président a touché la poitrine nue de Mlle Lewinsky de ses mains et de sa bouche. Le président a reçu un nouveau coup de téléphone et " a ouvert sa braguette et a exposé son sexe ", elle a de nouveau pratiqué une caresse bucco-génitale qu'il lui a demandé d'interrompre avant d'avoir éjaculé. Au cours de cette visite, le président lui a dit apprécier son sourire et son énergie. Il lui dit aussi : " Je suis souvent là le week-end, il n'y a personne d'autre, vous pouvez passer me voir ". Les registres corroborent les dires de Mlle Lewinsky. (...)

Lors de sa déposition du 17  janvier 1998 dans l'affaire Jones, le président Clinton -  qui a dit ne pas se souvenir de la plupart de ses rencontres avec Mlle Lewinsky  - se rappelait " l'avoir vue avec une pizza " (...)mais ne pensait pas être resté seul avec elle. Devant le Grand jury , le 17  août 1998, le président a dit que sa première " véritable conversation " avec Mlle Lewinsky avait eu lieu pendant la grève de novembre 1995 (...)

Selon Mlle Lewinsky, la troisième rencontre sexuelle entre elle et le président a eu lieu pendant la nuit de la Saint-Sylvestre (...) Le président lui offre un cigare. Elle lui dit son nom parce qu'elle a l'impression qu'il l'a oublié. Mais il lui dit s'en souvenir et avoir cherché à la retrouver dans l'annuaire parce qu'il avait perdu la note qu'elle lui avait laissée. " Nous nous sommes embrassés, il a soulevé mon pull, il m'a mis les seins à l'air et il les a caressés avec sa bouche et ses mains. " Elle lui fait une fellation. Il l'arrête avant d'éjaculer " parce qu'il ne me connaissait pas assez ou qu'il ne me faisait pas confiance ". (...) Témoignant sous serment devant le grand jury, le président a dit s'" être mal comporté " et avoir eu des " contacts intimes inappropriés " avec Mlle Lewinsky " à certaines occasions au début de 1996 , et une fois au début de 1997 ". En niant implicitement tout contact sexuel en 1995, le président a laissé entendre qu'il n'y avait pas eu de liaison sexuelle entre lui et Mlle Lewinsky tant qu'elle était stagiaire. Selon le témoignage du président, ses relations avec Mlle Lewinsky ont commencé " par de l'amitié " puis, plus tard, " ont inclus ce type de conduite " .

III. Janvier-mars 1996 : rencontres sexuelles suivies

Le président Clinton et Mlle Lewinsky ont eu de nouvelles rencontres sexuelles à côté du Bureau ovale en 1996. Après la sixième rencontre sexuelle, le président et Mlle Lewinsky ont eu leur première longue conversation. Le 19 février, date du President's day, le président a mis fin à leur relation sexuelle, puis l'a reprise le 31 mars.

(...)Selon Mlle Lewinsky, le président lui a téléphoné le dimanche 7 janvier 1996, en début d'après-midi. C'était la première fois qu'il l'appelait chez elle. D'après elle : " Je lui ai demandé ce qu'il faisait et il m'a dit qu'il allait à son bureau. J'ai dit : " Oh, voulez-vous de la compagnie ? " Il a dit : " Oh, ce serait formidable. " " Mlle Lewinsky s'est rendue à son bureau, et le président l'a appelée pour arranger leur rendez-vous : " Nous sommes convenus qu'il laisserait la porte de son bureau ouverte et que je passerais devant avec des papiers, et alors (...)il m'arrêterait d'une façon ou d'une autre, et m'inviterait à entrer. C'est exactement ce qui est arrivé. Je suis passée et j'ai vu Lew Fox [un agent des services de sécurité] en faction devant le bureau ; j'ai bavardé avec Lew quelques minutes, alors le président est sorti en disant : " Oh, salut Monica (...) Entrez donc." (...) Nous avons parlé dix minutes dans le Bureau ovale. Nous étions assis sur les canapés. Puis nous sommes passés dans le bureau du fond et nous avons eu des relations intimes dans la salle de bains. "

Mlle Lewinsky a déclaré que, durant cette rencontre dans la salle de bains, elle et le président se sont embrassés, qu'il a touché sa poitrine nue avec ses mains et sa bouche. Le président " a parlé de me faire des caresses buccales ", selon Mlle Lewinsky. Mais elle l'en a empêché, car elle avait ses règles, et il ne l'a pas fait. Mlle Lewinsky lui a fait une fellation.

Ensuite, ils sont revenus dans le Bureau ovale et ont discuté. Selon Mlle Lewinsky, " il mâchonnait un cigare. Puis il a pris le cigare dans la main et il l'a regardé en quelque sorte (...) d'une façon un peu lubrique. Alors (...) j'ai regardé le cigare, je l'ai regardé, et j'ai dit : " On peut faire ça, aussi, un jour. " "

Le dimanche 21 janvier 1996, selon Mlle Lewinsky (...), elle a rencontré le président dans un couloir, près d'un ascenseur, et il l'a invitée dans le Bureau ovale. D'après Mlle Lewinsky : " Nous avions eu des échanges sexuels téléphoniques pour la première fois la semaine précédente, et je n'étais pas très sûre qu'il avait aimé ça ou non (...) "

Selon Mlle Lewinsky, elle l'a questionné sur l'intérêt qu'il lui portait (...) : " Est-ce seulement du sexe... ou vous intéressez-vous à moi en tant que personne ? " Le président a ri et a répondu, selon Mlle Lewinsky, qu'il " chérissait le temps passé avec moi " (...).

Ils ont continué à parler en allant dans le couloir, près du bureau du fond. Puis, au milieu d'une phrase de Mlle Lewinsky, " il a commencé à m'embrasser ". Il a soulevé son chemisier et a touché sa poitrine avec ses mains et sa bouche. Selon Mlle Lewinsky, le président " a défait la fermeture éclair de son pantalon et s'est en quelque sorte exhibé ", et elle lui a fait une fellation.

A un certain moment, pendant la rencontre, quelqu'un est entré dans le Bureau ovale. Dans la mémoire de Mlle Lewinsky, " le président a remonté sa fermeture éclair vraiment très vite, est sorti puis est revenu... Je me rappelle que je riais parce qu'il était sorti, et qu'il était visiblement excité, et je pensais que c'était drôle ". (...)

Le dimanche 4 février, selon Mlle Lewinsky, elle et le président ont eu leur sixième rencontre sexuelle et leur première longue conversation personnelle. (...) Selon Mlle Lewinsky, le président l'a appelée à son bureau et ils ont planifié leur rendez-vous. Sur une suggestion qu'elle a faite, ils se sont rencontrés par hasard dans le couloir, " parce que lorsque c'était accidentel, ça marchait apparemment vraiment bien ", puis ils se sont dirigés ensemble vers le cabinet privé.

Là, selon Mlle Lewinsky, ils se sont embrassés. Elle portait une robe longue, boutonnée du cou jusqu'aux chevilles. " Et il a déboutonné ma robe et a dégrafé mon soutien-gorge, il a enlevé la robe de mes épaules et (...)retiré le soutien-gorge (...). Il me regardait et me touchait et me disait combien j'étais belle. " Il a touché sa poitrine avec ses mains et sa bouche, et touché ses parties génitales, d'abord à travers les sous-vêtements, puis directement. Elle lui a fait une fellation.

Après leur rencontre sexuelle, le président et Mlle Lewinsky se sont assis dans le Bureau ovale et ont parlé environ quarante-cinq minutes (...). C'est durant cette conversation du 4 février, selon Mlle Lewinsky, que leur amitié a commencé à s'épanouir. Lorsqu'elle s'est préparée à partir, selon Mlle Lewinsky, le président " a embrassé mon bras et m'a dit qu'il m'appellerait, et j'ai dit : " Ouais, bon, quel est mon numéro de téléphone ? " Alors il a récité de mémoire mon numéro personnel et celui de mon bureau. "(...)

Selon Mlle Lewinsky, le président a mis fin à leur relation (seulement de façon temporaire, comme on le verra), le lundi 19 février 1996, date du President's day (...). Elle se souvient que ce jour-là le président l'a appelée à son appartement du Watergate. Au ton de sa voix, elle a compris que quelque chose allait mal. Elle a proposé de venir le voir, mais il a dit qu'il ne savait pas pour combien de temps il serait là. Mlle Lewinsky est allée à la Maison Blanche, puis s'est rendue au Bureau ovale entre midi et 14 heures(...) Le président lui a dit que leur relation intime le gênait et qu'il fallait y mettre un terme. Mlle Lewinsky était invitée à continuer ses visites, mais seulement en amie. (...).

Après la rupture du 19 février 1996, selon Mlle Lewinsky " une sorte de flirt a continué (...)lorsque nous nous voyions " (...) Mlle Lewinsky a déclaré que, le vendredi 29 mars 1996, elle marchait dans un couloir lorsqu'elle a croisé le président, qui portait la première cravate qu'elle lui avait offerte. Elle lui a demandé où il avait eu cette cravate, et il a répondu : " Une fille de goût me l'a donnée. " (...).

Le dimanche 31 mars 1996, selon Mlle Lewinsky (...), le président l'a appelée à son bureau et lui a suggéré de venir au Bureau ovale sous prétexte de lui apporter des papiers. Elle s'est rendue au Bureau ovale et a été introduite par un agent des services de sécurité en civil. Dans la chemise, il y avait un cadeau pour le président, une cravate Hugo Boss.

Dans le couloir du cabinet, le président et Mlle Lewinsky se sont embrassés. A cette occasion, selon Mlle Lewinsky, " il s'est concentré sur moi de façon très exclusive ", embrassant sa poitrine nue et caressant ses parties génitales. A un moment, le président a introduit un cigare dans le vagin de Mlle Lewinsky, puis l'a mis dans sa bouche et a dit " Ça a bon goût " (...).

IV. Avril 1996 : Mlle Lewinsky est mutée au Pentagone

Les employés de la Maison Blanche et des services de sécurité ayant fait des remarques au sujet des visites fréquentes de Mlle Lewinsky dans l'aile Ouest, une adjointe du chef du personnel a ordonné le transfert de Mlle Lewinsky de la Maison Blanche au Pentagone. Le 7 avril - le dimanche de Pâques - Mlle Lewinsky annonça son renvoi au président. Il lui promit de la faire revenir après les élections, et ils eurent un rapport sexuel.

Les visites de Mlle Lewinsky aux alentours du Bureau ovale ne sont pas passées inaperçues. Estimant que ces visites fréquentes étaient " gênantes ", un officier des services de sécurité s'est plaint auprès d'Evelyn Lieberman, chef-adjointe du personnel. En décembre 1995, selon Mlle Lewinsky, Mlle Lieberman lui reprocha de se trouver dans l'aile Ouest et lui dit que les stagiaires n'étaient pas autorisés aux environs du Bureau ovale. Mlle Lewinsky, qui venait de commencer son travail au bureau des affaires législatives, répondit qu'elle n'était plus stagiaire. Après avoir exprimé sa surprise que Mlle Lewinsky ait été embauchée, Mlle Lieberman lui dit qu'elle avait dû la confondre avec quelqu'un d'autre. Mlle Lieberman a confirmé avoir réprimandé Mlle Lewinsky, qu'elle considérait être " ce que nous appelions un " crampon ", toujours là où elle n'aurait pas dû être. " Selon Mlle Lewinsky, certains membres du personnel de la Maison Blanche avaient l'air de penser que c'était de sa faute si le président s'intéressait à elle : " Les gens se méfiaient, peut-être, de ses faiblesses et (...) ils ne voulaient pas penser qu'il pouvait être responsable de quoi que ce soit, donc tout devait être de ma faute (...) Les gens pensaient que je le traquais ou je lui faisais des avances. "

Mlle lieberman a affirmé sous serment que, puisque Mlle Lewinsky s'obstinait à s'efforcer d'approcher le président, " j'ai décidé de me débarrasser d'elle ". Elle commença par consulter le chef du personnel, M. Panetta. Selon lui, Mlle Lieberman lui parla d'une employée qui " passait trop de temps dans l'aile Ouest ". Pour " sauvegarder les apparences ", Mlle Lieberman proposa de la transférer de la Maison Blanche vers le Pentagone. M. Panetta - qui a déclaré avoir " confiance en son jugement " - lui répondit : " D'accord. " Bien que Mlle Lieberman ne se souvienne pas avoir entendu de rumeurs associant le président et Mlle Lewinsky, elle a reconnu que " de telles rumeurs pouvaient nuire au président (...). Oui, oui, c'était l'une des raisons " de la mutation de Mlle Lewinsky.(...)

En décembre 1997, Marcia Lewis (la mère de Mlle Lewinsky) s'est plainte du renvoi de sa fille auprès de Mlle Lieberman, qu'elle avait rencontrée lors d'une cérémonie de Voice of America. Mlle Lieberman aurait répondu " en disant quelque chose sur le fait que Monica était maudite à cause de sa beauté ". Mme Lewis en a déduit que Mlle Lieberman, pour protéger le président, " voulait muter toutes les jolies femmes ".

Les hauts fonctionnaires de la Maison Blanche firent en sorte que Mlle Lewinsky retrouve un emploi dans l'administration (...). Le bureau de Patsy Thommasson (personnel présidentiel) envoya le curriculum vitae de Mlle Lewinsky à Charles Duncan, conseiller de cabinet du secrétariat d'État à la défense et porte-parole de la Maison Blanche, et lui demanda de lui trouver un poste au Pentagone.

Le vendredi 5 avril 1996, Timothy Keating, directeur du personnel des affaires législatives, informe Mlle Lewinsky qu'elle va devoir quitter son travail à la Maison Blanche. Selon lui, il lui a précisé qu'elle n'était pas renvoyée, qu'on lui donnait simplement " une perspective d'avenir différente ". Elle pouvait dire aux gens qu'il s'agissait d'une promotion, si elle le voulait. En apprenant son départ, Mlle Lewinsky éclata en larmes et demanda s'il y avait un moyen pour qu'elle demeure à la Maison Blanche, même sans être payée. " Non  ", répondit M. Keating. Selon Mlle Lewinsky, " il m'a dit que j'étais trop sexy pour travailler dans l'aile Est et que ce poste au Pentagone, où j'écrirais des communiqués de presse, était plus sexy ". Mlle Lewinsky était bouleversée.

Le dimanche de Pâques, le 7  avril 1996, Mlle Lewinsky annonça son départ au président et ils eurent un rapport sexuel. Mlle Lewinsky arriva à la Maison Blanche à 16  h  56 et en repartit à 17  h  28. " Je lui ai dit que lundi serait mon dernier jour. Et (...) il a eu l'air vraiment contrarié et m'a plus ou moins demandé de lui raconter ce qui s'était passé. Alors je lui ai dit, et je pleurais, et je lui ai demandé si je pouvais venir le voir et il a accepté. "

A la Maison Blanche, d'après elle, Mlle Lewinsky expliqua à l'agent des services de sécurité Muskett qu'elle devait déposer des papiers au président. L'agent Muskett la fit entrer dans le Bureau ovale, et le président et elle se rendirent dans le cabinet privé. Selon elle, le président avait l'air préoccupé par son départ imminent de la Maison Blanche : " Il m'a dit qu'il pensait que ma mutation avait un rapport avec lui et que cela le contrariait. Il m'a dit : " Pourquoi faut-il qu'ils t'éloignent de moi ? Je te fais confiance ." Alors, il m'a regardée et il a dit : "Je te promets que si je gagne en novembre, je te fais revenir comme ça." "

Il a aussi laissé entendre qu'elle pourrait avoir le poste qu'elle voudrait après l'élection.(...) Quand on lui a demandé s'il avait promis à Mlle Lewinsky un autre poste à la Maison Blanche, le président a répondu au grand jury : " Ce que j'ai dit à Mlle Lewinsky, c'est que je ferais ce que je pourrais, si elle s'en sortait bien au Pentagone - et elle m'a promis qu'elle travaillait dur et bien - que je ferais de mon mieux pour que le fait qu'elle ait été éloignée des affaires législatives ne l'empêche pas de retrouver un poste à la Maison Blanche, et c'est, effectivement, ce que j'ai fait. Mais je ne lui ai pas dit que je donnerais l'ordre à quelqu'un de l'embaucher, et je ne l'ai jamais fait, et ce n'est pas quelque chose que je ferais. Ça ne serait pas bien. "

Mlle Lewinsky, lorsqu'on lui a demandé si le président avait précisé qu'il ne la ferait revenir à la Maison Blanche que si elle faisait du bon travail au Pentagone, a répondu : " Non. " Après cette conversation, le président et Mlle Lewinsky ont eu un échange sexuel dans le hall, selon Mlle Lewinsky. (...) Elle a déclaré sous serment que le président a touché ses seins avec sa bouche et ses mains. Selon Mlle Lewinsky : " Je crois qu'il a baissé la fermeture éclair [de son pantalon] (...) parce que le fait que je ne déboutonne jamais son pantalon, que je n'y arrive pas, était une sorte de plaisanterie à répétition. " Mlle Lewinsky a fait une fellation. Le président n'a pas éjaculé en sa présence.

Lors de ce rapport, quelqu'un cria au président depuis le Bureau ovale qu'il avait un appel téléphonique. Il est retourné dans le Bureau ovale pendant un instant, puis a pris l'appel dans le bureau du fond. Le président a fait signe à Mlle Lewinsky de lui faire une fellation pendant qu'il parlait au téléphone, et elle a obéi. La conversation téléphonique tournait autour de la politique et Mlle Lewinsky a pensé qu'il pouvait s'agir de son conseiller Dick Morris. Les registres de la Maison Blanche confirment que le président a reçu un appel de " M. Richard Morris " avec lequel il a parlé de 17 h 11 à 17 h 20 pendant la visite de Mlle Lewinsky.

Il y a eu une seconde interruption quelques minutes plus tard, selon Mlle Lewinsky. Le président et elle étaient dans le bureau du fond. Mlle Lewinsky a déclaré : " Harold Ickes a une voix très reconnaissable et (...) je l'ai entendu hurler " M. le président ", et le président m'a regardée et je l'ai regardé et il a foncé dans le Bureau ovale et j'ai paniqué et (...) j'ai pensé que peut-être, comme Harold est très proche du président, ils allaient revenir par ici et le président penserait que je saurais qu'il fallait que je parte. "

Mlle Lewinsky a déclaré être sortie rapidement par la porte de la salle à manger. (...) Mlle Lewinsky a déclaré être sortie rapidement par la porte de la salle à manger. Le soir, le président l'a appelée et lui a demandé pourquoi elle s'était enfuie. " Je lui ai dit que je ne savais pas s'il allait revenir... Il m'en a un peu voulu d'être partie. "

Outre l'indication de l'appel de Dick Morris, le témoignage de l'agent des services de sécurité Muskett corrobore le récit de Mlle Lewinsky. A 17 h 30, deux minutes après le départ de Mlle Lewinsky de la Maison Blanche, le président appela le bureau d'Evelyn Lieberman.

Mlle Lewinsky a déclaré que le président lui a téléphoné le vendredi suivant, le 12 avril 1996, chez elle. Ils ont discuté près de vingt minutes. Le président aurait dit à Mlle Lewinsky qu'il s'était renseigné sur la raison de sa mutation : " Il avait appris (...) qu'Evelyn Lieberman avait plus ou moins été le fer de lance de la mutation, et qu'elle pensait qu'il s'occupait trop de moi et que je m'occupais trop de lui et qu'elle se moquait de ce qui arriverait après l'élection mais qu'avant l'élection, tout le monde devait faire attention ".

Trois autres témoins ont confirmé que le président savait pourquoi Mlle Lewinsky avait été mutée au Pentagone. Selon Betty Currie, le président estimait que la mutation de Mlle Lewinsky était injuste. L'ami proche du président, Vernon Jordan, a déclaré que le président lui avait dit en décembre 1997 qu'il " savait ce qu'il en était pour Mlle Lewinsky, à savoir qu'elle était évincée de la Maison Blanche. "

V. Avril-décembre 1996 : pas de rencontres privées

Après que Mlle Lewinsky eut commencé son travail au Pentagone, le 16 avril 1996, elle n'a plus eu d'autre contacts avec le président pour le reste de l'année. Elle et le président ont parlé par téléphone (et ont eu des échanges sexuels téléphoniques) et se sont vus seulement au cours de réunions officielles. Mlle Lewinsky développa une frustration après les élections parce que le président ne l'a pas invitée à travailler à la Maison Blanche à ses côtés.

Le 16 avril 1996, Mlle Lewinsky commença à travailler au Pentagone en tant qu'adjointe de l'assistante du secrétaire à la défense pour les affaires publiques. (...)

D'après Mlle Lewinsky, le président lui a téléphoné aux environs de 6 h 30, le 19 juillet, le jour où il quittait les Jeux olympiques d'Atlanta. Ils ont eu des échanges sexuels téléphoniques, après quoi le président s'exclama : " Chouette matinée ! ", puis ajouta: " Quelle bonne façon de commencer la journée. " Un registre des appels téléphoniques montre que le président a appelé les opérateurs de la Maison Blanche le 19 juillet et a demandé un réveil par téléphone pour 7 heures, puis à 6 h 40, le président appela et dit qu'il était déjà debout. Selon les souvenirs de Mlle Lewinsky, elle et le président ont également eu des échanges sexuels téléphoniques le 21 mai, le 5 ou le 6 juillet, le 22 octobre et le 2 décembre 1996. A ces dates-là, Mme Clinton était à Denver (le 21 mai), à Las Vegas (le 22 octobre) et en route pour la Bolivie (le 2 décembre). (...)

Mlle Lewinsky et le président ont également parlé de leur relation. Au cours d'une conversation téléphonique, le 5 septembre, d'après Mlle Lewinsky, elle dit au président qu'elle voulait avoir un rapport avec lui. Il répondit qu'il ne pourrait pas, à cause des conséquences possibles.

Durant cette période, Mlle Lewinsky vit occasionnellement le président en public (...). Le 18 août, Mlle Lewinsky fut présente à la fête d'anniversaire des cinquante ans du président au Radio City Music Hall, et parvint à s'introduire au cocktail offert aux donateurs démocrates où elle revit le président. D'après Mlle Lewinsky, quand le président passa à sa hauteur, elle l'atteint et toucha son entrejambe d'une façon " enjouée ".

Le 23 octobre, d'après Mlle Lewinsky, elle parla au président à une soirée de collecte de fonds pour les sénateurs démocrates. Ils furent photographiés ensemble durant cet événement. Le président portait une cravate qu'elle lui avait offerte, d'après Mlle Lewinsky, et elle lui dit : " Salut beau gosse. J'aime ta cravate. " Le président l'appela cette nuit. Elle lui dit qu'elle projetait d'être à la Maison Blanche le lendemain. Il lui répondit alors de faire un détour à son bureau. A la Maison Blanche, le lendemain, Mlle Lewinsky n'a pas vu le président car Mme Lieberman [alors responsable des employés de la Maison Blanche] était dans les environs (...).

Mlle Lewinsky développa une frustration croissante à propos de sa relation avec le président Clinton. Une amie comprit que Mlle Lewinsky s'était plainte auprès du président de ce qu'ils ne s'étaient pas vus en privé depuis des mois, et il répondit : " C'est pas tous les jours fête ! " Dans un e-mail à une autre amie au début 1997, Mlle Lewinsky écrivait : " Je ne comprends pas ce qui n'a pas marché, ce qui s'est passé ? Comment a-t-il pu me faire ça à moi ? Pourquoi a-t-il gardé contact avec moi pendant si longtemps et maintenant plus rien, maintenant que nous pourrions être ensemble ? "

VI. Début 1997 : reprise des échanges sexuels

En 1997, une fois les élections présidentielles passées, Mlle Lewinsky et le président ont repris leurs réunions en tête à tête et leurs rencontres sexuelles. Betty Currie, la secrétaire du président, servait d'intermédiaire.

D'après Mlle Currie, Mlle Lewinsky l'appelait souvent et lui disait qu'elle souhaitait voir le président, parfois pour discuter d'un sujet particulier. Mlle Currie demandait au président Clinton, et, s'il était d'accord, organisait la rencontre. Mlle Currie a également dit qu'il n'était " pas rare " que Mlle Lewinsky parle par téléphone avec le président et qu'il lui demande ensuite d'arranger une rencontre. Par moments, Mlle Currie appelait Mlle Lewinsky pour le président Clinton et lui passait la ligne.

Les rencontres entre le président et Mlle Lewinsky avaient souvent lieu le week-end. Lorsque Mlle Lewinsky arrivait à la Maison Blanche, Mlle Currie était généralement la personne qui l'autorisait à entrer et la conduisait jusqu'à l'aile Ouest. Mlle Currie a reconnu qu'elle se rendait parfois à la Maison Blanche uniquement pour faire entrer Mlle Lewinsky et l'amener voir le président. D'après Mlle Currie, Mlle Lewinsky et le président se sont retrouvés seuls pendant quinze ou vingt minutes, en de nombreuses occasions, dans le bureau Ovale ou le cabinet de travail.

(...) Même si Mlle Currie ouvrait généralement les lettres et les paquets destinés au président, elle n'ouvrait pas ceux de Mlle Lewinsky. Elle a déclaré : " J'ai décidé de ne pas ouvrir ces lettres et ces paquets parce que je sentais qu'ils devaient être personnels. " Elle laissait donc le paquet dans la boîte du président qui " le prenait ". A sa connaissance, ces paquets sont toujours parvenus au président.

Mlle Currie a déclaré qu'elle avait soupçonné l'inconvenance des relations entre le président et Mlle Lewinsky. Elle a dit au grand jury qu'elle " était préoccupée ". Selon ses termes : " Il passait énormément de temps avec une jeune femme de vingt-quatre ans. Je sais qu'il a dit que les jeunes le tenaient au courant de ce qui se passait dans le monde, donc je savais que c'était l'une des raisons, mais je m'inquiétais de ce qu'elle passe plus de temps que la plupart. " Mlle Currie comprenait que la "majorité " des rendez-vous que le président accordait à Mlle Lewinsky revêtaient un " caractère plus personnel que professionnel ".

Mlle Currie a aussi déclaré qu'elle essayait d'éviter d'apprendre des détails sur la relation entre le président et Mlle Lewinsky. Un jour, Mlle Lewinsky lui a dit à propos d'elle-même et du président : " Tant que personne ne nous aura vus - et personne ne l'a fait - rien ne se sera passé. " Mlle Currie a répondu : " Je ne veux pas le savoir. N'en dites pas plus. Je ne veux pas en entendre davantage. "

Mlle Currie les a aidés à garder cette relation secrète. Lorsque le président voulait parler à Mlle Lewinsky, elle composait le numéro elle-même plutôt que de passer par les standardistes de la Maison Blanche, qui notaient les communications présidentielles établies par le standard. Quand Mlle Lewinsky téléphonait et que Mlle Currie la passait au président, elle ne notait pas l'appel, bien que la procédure veuille qu'on consigne tous les appels, personnels ou professionnels. D'après des officiers des services de sécurité en tenue, Mlle Currie a parfois essayé de les persuader de laisser pénétrer Mlle Lewinsky dans l'enceinte de la Maison Blanche sans en faire mention. (...)

Mlle Lewinsky a dit qu'elle s'était un jour inquiétée des notes faisant état des coups de téléphone que le président lui donnait et que Mlle Currie lui avait répondu de ne pas se faire de souci. Mlle Lewinsky soupçonnait également Mlle Currie de ne pas consigner tous les cadeaux qu'elle faisait au président. D'après Mlle Lewinsky, de nombreux membres du personnel de la Maison Blanche essayaient de réglementer la conduite du président, mais Mlle Currie faisait en général ce qu'il voulait.

Les officiers de la division des services de sécurité en uniforme ont noté les visites que Mlle Lewinsky a faites en 1997 à la Maison Blanche. D'après le trafic radio concernant les mouvements du président, plusieurs officiers ont observé que le président se rendait souvent dans le bureau Ovale durant les minutes qui suivaient l'entrée de Mlle Lewinsky dans l'enceinte, surtout pendant le week-end, et certains ont noté qu'il regagnait la Résidence peu de temps après son départ. " C'était réglé comme du papier à musique ", d'après un officier. S'inquiétant de la réputation du président, un autre officier a suggéré de mettre le nom de Mlle Lewinsky sur la liste des personnes qui n'étaient pas admises à la Maison Blanche. Un commandant a répondu que cela ne les regardait pas, que le président voyait qui il voulait, et que de toute façon personne ne découvrirait rien au sujet de Mlle Lewinsky.

Le 14 février 1997, le Washington Post a publié un " mot d'amour " que Mlle Lewinsky a fait paraître pour la Saint-Valentin.

Le 24 février Mlle Lewinsky est venue à la Maison Blanche a propos du Pentagone. Elle est passée par le bureau de Mlle Currie. Celle-ci a transmis une note au président, la seule qui ait été remise par la Maison Blanche à la suite de l'assignation du grand jury : " Monica Lewinsky est en visite. Voulez-vous que je l'appelle ? "

D'après Mlle Lewinsky, ce fut la première rencontre sexuelle entre elle et le président après environ onze mois. (...) Dans le bureau, d'après Mlle Lewinsky, le président " a commencé à me dire quelque chose et moi je l'ai harcelé pour qu'il m'embrasse, parce que (...) cela faisait longtemps que nous n'avions plus été seuls ". Le président lui a dit d'attendre un moment, car il avait des cadeaux pour elle. Comme cadeaux de Noël tardifs, il lui a offert une épingle à chapeau et une édition spéciale de Leaves of Grass de Walt Whitman.

(...) Pendant cette visite, d'après Mlle Lewinsky, le président a dit qu'il avait vu le message de la Saint-Valentin dans le Washington Post et il a dit qu'il aimait beaucoup Roméo et Juliette.

Mlle Lewinsky a déclaré sous serment qu'après la remise des cadeaux ils avaient eu une rencontre sexuelle. " Nous sommes revenus vers la salle de bains dans le vestibule et nous nous sommes embrassés. Quand nous nous embrassions, il a déboutonné ma robe et m'a caressé les seins à travers mon soutien-gorge ; puis il les a sortis du soutien-gorge et les a embrassés.Il les touchait avec ses mains et sa bouche. Puis je pense que je lui ai caressé les parties génitales à travers son pantalon et que j'ai déboutonné sa chemise et embrassé sa poitrine. Ensuite (...) j'ai eu envie de lui faire l'amour avec ma bouche (...) et c'est ce que j'ai fait. Après (...) je crois qu'il a entendu quelque chose, ou quelqu'un dans le bureau. Alors nous sommes entrés dans la salle de bains.

Et j'ai continué à lui faire une fellation, puis il m'a repoussée, ce qu'il faisait toujours avant de jouir, alors je me suis relevée et je lui ai dit (...) : " Je t'aime tant ; je ne comprends pas pourquoi tu ne me laisses pas (...) te faire jouir ; c'est important pour moi ; j'ai l'impression que c'est incomplet, ça ne semble pas bien. "

Mlle Lewinsky a déclaré sous serment qu'ils s'étaient étreints et qu'" il avait dit qu'il ne voulait pas s'accoutumer à moi comme à une drogue, ni que moi je ne m'attache à lui ". Ils se sont regardés pendant un moment. Puis, disant : " Je ne veux pas te décevoir ", le président a consenti à ce qu'elle le fasse jouir pour la première fois avec sa bouche.

Le jour où Mlle Lewinsky a sorti sa robe bleue de son placard pour la mettre, elle a remarqué des taches près d'une hanche et sur la poitrine. Les examens effectués dans le laboratoire du FBI ont révélé qu'il s'agissait de taches de sperme du président.

Lors de son témoignage devant le grand jury, parce que le bureau du procureur indépendant lui avait demandé un échantillon de sang et lui avait fait remarquer que sa demande à titre de preuve était amplement justifiée, le président avait toutes les raisons de soupçonner que la robe de Mlle Lewinsky pouvait porter des traces de son sperme. Il a indiqué qu'ils avaient eu un contact sexuel le jour du discours prononcé à la radio. Il a déclaré sous serment : " J'ai été dégoûté une fois que ce fut terminé, et j'ai été content à ce moment-là de penser que cela faisait près d'un an que je n'avais pas eu de contact déplacé avec Mlle Lewinsky. Je me suis promis de ne plus recommencer. C'est compliqué à expliquer ce qui c'est passé et comment ça s'est passé. Mais, néanmoins, j'en suis responsable. "

Plus tard, le président a ajouté, en ce qui concerne la soirée du discours à la radio : " Je crois que je suis resté seul avec elle pendant quinze à vingt minutes. Je pense qu'il s'est ensuite passé des choses qui étaient déplacées. " Il a dit à propos de sa relation intime avec Mlle Lewinsky : " Je n'aurais jamais dû commencer et certainement pas recommencer après avoir décidé d'arrêter en 1996. "

(...) D'après Mlle Lewinsky, leur rencontre sexuelle a commencé par un baiser soudain : " C'était à un moment où je papotais, et il m'a embrassée, de sorte à me faire taire, je pense. " Le président a déboutonné son corsage et lui a touché la poitrine sans enlever son soutien-gorge. Il a glissé la main le long de mes pantalons, puis j'ai baissé la fermeture éclair car c'était plus facile. Je ne portais pas de slip. Alors il m'a excitée avec sa main. " Selon Mlle Lewinsky : " Je voulais qu'il touche mon sexe avec le sien ". Ce qu'il fit, légèrement, sans pénétration. Puis Mlle Lewinsky lui a fait une fellation jusqu'à ce qu'il éjacule.

D'après Mlle Lewinsky, ils ont eu une longue conversation ce jour-là. Il lui a dit qu'il soupçonnait une ambassade étrangère (il n'a pas précisé laquelle) d'avoir mis son téléphone sur écoute. Il a dit que si on lui posait des questions, elle devrait répondre qu'ils étaient de simples amis. Si quelqu'un évoquait l'amour au téléphone, elle devrait répondre qu'ils savaient que leurs appels étaient écoutés et que ce n'était qu'une plaisanterie.

VII. Mai 1997 : fin de la relation sexuelle

En mai 1997, suite à des indications selon lesquelles Mlle Lewinsky a été indiscrète, le président Clinton mit fin à la relation sexuelle (...).

Le samedi 24 mai 1997, selon Mlle Lewinsky, le président mit fin à leur relation intime. Mlle Lewinsky était à la Maison Blanche ce jour-là, de 12 h 21 à 13 h 54. Le président était dans le bureau Ovale pendant presque tout ce temps, de 11 h 59 à 13 h 47.

Mlle Lewinsky reçut un appel téléphonique de Mme Currie vers 11 heures ce jour-là, l'invitant à venir à la Maison Blanche vers 13 heures. Mlle Lewinsky arriva coiffée d'un chapeau de paille avec l'épingle à chapeau que le président lui avait offerte. Elle lui apporta des cadeaux, dont un puzzle et une chemise Banana Republic. Elle lui donna les cadeaux dans la salle à manger, et ils se rendirent dans le bureau.

Selon Mlle Lewinsky, le président expliqua qu'ils devaient mettre un terme à leur relation intime. Au cours de son mariage, lui dit-il, il avait eu des centaines de liaisons ; mais, depuis qu'il avait passé la quarantaine, il faisait un effort pour être fidèle. Il lui assura qu'il était attiré par elle, qu'il la considérait comme une personne formidable, et qu'il espérait qu'ils resteraient amis. Il souligna qu'il pouvait faire beaucoup pour elle. Elle n'était pour rien dans la situation, insista-t-il. Mlle Lewinsky, en pleurs, essaya de persuader le président de ne pas mettre fin à la relation sexuelle, mais il fut inflexible, à ce moment-là et ultérieurement. Bien qu'ils s'embrassèrent et s'étreignirent, leur relation sexuelle était terminée.

Trois jours après cette rencontre, le 27 mai 1997, la Cour suprême rejetait à l'unanimité l'argument du président Clinton selon lequel la Constitution lui offrait l'immunité en matière de vie privée. La Cour ordonnait la poursuite de l'instruction de la plainte de Paula Jones contre Clinton pour harcèlement sexuel.

VIII. Juin-octobre 1997 poursuite des rencontres et des appels

Mlle Lewinsky a essayé de regagner l'équipe de la Maison Blanche et de poursuivre sa relation sexuelle avec le président, mais elle a échoué dans ces deux tentatives.

Bien que Mlle Lewinsky n'ait pas reçu d'autre offre de travail à la Maison Blanche, certains témoignages indiquent que le président a tenté de lui en obtenir un. Selon Betty Currie, le président lui avait demandé, à elle ainsi qu'à Marsha Scott, d'aider Mlle Lewinsky à trouver un travail à la Maison Blanche. Mlle Currie a affirmé qu'elle avait résisté à cette requête, parce que son opinion de Mlle Lewinsky s'était modifiée avec le temps. Au début, affirme-t-elle, elle considérait Mlle Lewinsky " comme une amie qui avait été traitée injustement et calomniée de façon inconvenante ". Mais " par la suite, je l'ai considérée plus ou moins comme une enquiquineuse ". Son changement de disposition à son égard venait en partie du nombre d'appels téléphoniques au cours de l'année 1997 de la part de Mlle Lewinsky, souvent désespérée et parfois en larmes, à cause de l'impossibilité de reprendre contact avec le président (...). Pour autant qu'il lui en souvienne, Mlle Currie affirma que c'était la seule fois où le président lui demanda d'essayer de trouver un travail à quelqu'un à la Maison Blanche (...).

Mlle Lewinsky ébaucha également un mot pour le président, sollicitant un bref entretien pour le mardi suivant. Faisant allusion à son incapacité d'entrer en contact avec lui, elle écrivit : " Je t'en prie, ne me fais pas ça. Je me sens bonne à jeter, usagée, sans intérêt. Je comprends que tu aies les mains liées, mais je veux te parler et envisager quelques solutions. " Vers cette époque, Mlle Lewinsky dit à une amie qu'elle pensait déménager dans une autre ville ou dans un autre pays.

" Très frustrée " de son incapacité à reprendre contact avec le président pour discuter de sa situation professionnelle, Mlle Lewinsky lui écrivit une lettre amère le 3 juillet 1997. Commençant par " Cher Monsieur ", la lettre reprochait au président d'avoir rompu sa promesse de lui trouver un nouveau travail à la Maison Blanche. Mlle Lewinsky le menaçait également de façon indirecte de révéler leur relation. (...)

Mlle Lewinsky évoqua même la possibilité d'un travail en dehors de Washington. Si le retour à la Maison Blanche était impossible, demandait-elle dans cette lettre, pourrait-il lui trouver du travail aux Nations unies à New York ? C'était la première fois qu'elle disait au président qu'elle envisageait de déménager.

Bien qu'il n'ait pas été interrogé sur cette lettre en particulier, le président a affirmé qu'il avait pensé que Mlle Lewinsky pourrait révéler leur relation intime dès qu'il y aurait mis fin. Il affirma : " Quand j'ai mis un terme à nos rapports inconvenants, elle a voulu venir plus souvent qu'autrefois. Elle se mettait en colère, quand elle ne venait pas quelque temps. Je savais que cela risquait de la faire parler, mais j'ai tout de même tenu bon, parce qu'il fallait que je limite nos rapports. "

Après avoir reçu la lettre du 3 juillet, toutefois, le président accepta de voir Mlle Lewinsky. Selon le témoignage de cette dernière, Mlle Currie l'appela cet après-midi-là et lui dit de passer à la Maison Blanche le lendemain matin à 9 heures.

Vendredi 4 juillet 1997, Mlle Lewinsky eut ce qu'elle définit comme une visite " très émotionnelle " chez le président. Les rapports administratifs indiquent que Mlle Lewinsky est arrivée à la Maison Blanche à 8 h 51. L'heure de sortie n'a pas été notée. Les registres précisent que le président était dans le bureau ovale entre 8 h40 et 11 heures passées.

Selon les souvenirs de Mlle Lewinsky, leur rencontre fut tout d'abord agressive, le président la sermonnant : " Il est illégal de menacer le président des États-Unis. " Puis, il lui dit qu'il n'avait pas lu sa lettre du 4 juillet au-delà du " Cher Monsieur " de la première ligne. Il avait supposé que la lettre était menaçante, parce que Mlle Currie paraissait bouleversée quand elle la lui avait apportée. (Mlle Lewinsky soupçonna qu'il avait en réalité lu tout son récit) Mlle Lewinsky se plaignit de son incapacité à lui trouver un travail à la Maison Blanche après une aussi longue attente. Bien que le président protestât qu'il voulait qu'elle soit son amie, dit-elle, il n'agissait pas en conséquence. Mlle Lewinsky commença à pleurer et le président la serra dans ses bras. Tandis qu'elle était dans ses bras, elle aperçut un jardinier par la fenêtre du bureau et ils se déplacèrent dans l'entrée près des toilettes.

Là, le président fut " plus affectueux avec moi qu'il ne l'avait jamais été ", selon le témoignage de Mlle Lewinsky. Il caressa son bras, il joua avec ses cheveux, il l'embrassa dans le cou, il loua son intelligence et sa beauté. Selon les souvenirs de Mlle Lewinsky : " Il a fait remarquer... qu'il aurait aimé avoir plus de temps pour moi. Eh ! bien alors, ai-je dit, peut-être auras-tu du temps dans trois ans. Et je pensais... que, quand il ne serait plus président, il aurait plus de temps à lui. Et il a dit : "Eh bien, je ne sais pas, il se peut que je sois seul dans trois ans." Et alors, j'ai dit quelque chose sur... le fait de se retrouver... un jour tous les deux ensemble. Je crois que j'ai dit, je ne sais pas : "Oh ! je pense qu'on ferait une bonne équipe", ou quelque chose dans le genre. Et lui..., pour plaisanter, hein, il a dit : "Qu'est-ce qu'on fera quand j'aurais soixante-quinze ans et que je pisserai vingt-cinq fois par jour !" Et... je lui ai dit qu'on devrait s'y faire... "

Mlle Lewinsky affirma : " Ce jour-là, je suis repartie émotionnellement ébranlée " parce que " je savais simplement qu'il était amoureux de moi ".

Juste avant de le quitter (...) elle l'informa que Newsweek préparait un article sur Kathleen Willy, une ex-bénévole de la Maison Blanche qui se plaignait d'avoir été harcelée sexuellement par le président durant un entretien privé dans le bureau ovale, le 23 novembre 1993. Mlle Lewinsky était au courant de l'article par Mlle Tripp, qui avait travaillé à la Maison Blanche à l'époque du prétendu incident et elle avait été mise au courant de l'incident par Mlle Willey.

Michael Isikoff, de Newsweek, avait parlé avec Mlle Tripp à propos de l'épisode en mars 1997 et, à nouveau, brièvement, avant le 4 juillet. Mlle Tripp avait, par la suite, rapporté à Mlle Lewinsky ses entretiens avec Isikoff. Mlle Lewinsky raconta au président ce qu'elle tenait de Mlle Tripp (qu'elle ne nomma pas), y compris le fait que Mlle Tripp avait essayé de prendre contact avec Bruce Lindsey, le conseiller adjoint de la Maison Blanche, qui ne l'avait pas rappelée (...).

Le président répondit que l'accusation de harcèlement était ridicule, parce qu'il n'approcherait jamais une femme avec une aussi petite poitrine que Mlle Willey. Il ajouta que la semaine précédente, Mlle Willey avait appelé Nancy Heinreich pour l'avertir qu'un journaliste préparait un article sur Mlle Willey et le président. Mlle Willey se demandait comment elle pourrait se sortir de cette histoire. (...)

Newsweek publia l'article sur Kathleen Willey dans son numéro du 11 août 1997 (qui parut une semaine avant cette date). L'article citait Mlle Tripp , qui disait que Mlle Willey, après avoir quitté le bureau ovale le jour des prétendues avances du président, paraissait " ébouriffée, agitée, heureuse et joyeuse ". (...)

Samedi 16 août 1997, Mlle Lewinsky essaya vainement de poursuivre sa relation sexuelle avec le président (...). Le lendemain, il partit en vacances à Martha's Vineyard. Mlle Lewinsky assura qu'elle lui avait apporté des cadeaux d'anniversaire (son anniversaire est le 19 août) : " Je m'étais installée dans son bureau du fond, je lui avais apporté un gâteau aux pommes, j'avais mis une bougie et j'avais étalé ses cadeaux. Quand il est arrivé, j'ai chanté Happy Birthday et il a pris ses cadeaux, je lui ai demandé si (...) on pouvait échanger un baiser d'anniversaire en l'honneur de nos deux anniversaires, parce que le mien avait eu lieu juste quelques semaines avant. Alors, il a dit que c'était d'accord et qu'on pouvait, comment dire, infléchir la règle pour ce jour-là. Alors (...) on s'est embrassés. "

Mlle Lewinsky a touché les parties génitales du président à travers son pantalon et elle s'est mise en position pour une fellation, mais le président l'a repoussée. Selon Mlle Lewinsky : " Il a dit, "J'essaie de ne pas faire ça, j'essaie d'être bon" (...) il était manifestement bouleversé. Et alors (...) je l'ai pris dans mes bras et je lui ai dit que j'étais désolée, qu'il ne devait pas être bouleversé. " Plus tard, dans un brouillon de lettre adressée à celui qu'elle appelle " Beau Gosse ", Mlle Lewinsky se référa à cette visite : " C'était affreux quand je t'ai vu pour ton anniversaire en août. Tu étais si distant que tu me manquais quand je te tenais dans mes bras. " (...)

Avant le départ en vacances du président, Mlle Lewinsky lui envoya un mot pour lui demander s'il pouvait lui rapporter un tee-shirt du Black Dog, un célèbre restaurant de Vineyard. Au début septembre, Mlle Currie lui donna plusieurs souvenirs du Black Dog. Dans un message e-mail à Catherine Davis, Mlle Lewinsky écrivit : " Eh bien, j'ai appris par Betty, hier, que non seulement il m'avait rapporté un tee-shirt, mais deux tee-shirts, un chapeau et une robe ! ! ! Bien que ce soit une grosse andouille, il est étonnamment gentil... il s'est même souvenu de ça. " Une lettre datée du 30 septembre 1997, rédigée comme une note de service officielle, a été découverte dans l'appartement de Mlle Lewinsky. Selon Mlle Lewinsky, elle a envoyé cette lettre ou une semblable au président. Adressée à " Beau Gosse " et portant comme objet " Le New Deal ", la fausse note de service proposait une visite le soir-même, quand " tout le monde serait parti ". (...) Elle se terminait sur une allusion à une femme dont on disait qu'elle avait eu une liaison avec un précédent président : " Oh, Beau Gosse, rappelle-toi que FDR [Franklin Delano Roosevelt] n'aurait jamais refusé une visite de Lucy Mercer ! "

Mlle Lewinsky ne se rendit pas à la Maison Blanche ce soir-là, du 30 septembre, mais le président l'appela tard dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre. Selon Mlle Lewinsky, il se peut qu'il ait mentionné, au cours de cette conversation téléphonique, qu'il demanderait au chef du personnel, Erskine Bowles, de l'aider à trouver un travail à la Maison Blanche. (...)

Le 6 octobre 1997, selon Mlle Lewinsky, on lui dit qu'elle ne retravaillerait plus à la Maison Blanche (...).

Dans une conversation enregistrée plus tard, le 6 octobre, Mlle Lewinsky dit qu'elle voulait deux choses du président. La première était le repentir. Il fallait qu'il " reconnaisse (...) qu'il a réussi à foutre ma vie en l'air ". La seconde était un travail qu'elle pourrait avoir sans grand effort. " Je ne veux pas travailler pour cette situation (...). Je veux simplement qu'on me la donne. " (...) Après avoir écrit la lettre [au président], elle déclara : " Je veux qu'il se sente coupable, et j'espère que cette lettre y est parvenue. "

Dans cette lettre, qui fut envoyée par la poste le 7 octobre, Mlle Lewinsky disait qu'elle avait compris qu'elle n'obtiendrait jamais de travail à la Maison Blanche, et elle sollicitait rapidement un entretien pour discuter de son emploi. Elle précisait sa requête : " J'aimerais te demander de m'aider à m'assurer une situation à New York dès le 1er décembre. Je t'en serais très reconnaissante et j'espère que ce sera une solution pour tous les deux. Je veux que tu saches que ça a toujours été et que cela reste plus important pour moi de t'avoir dans ma vie que de revenir (...). S'il te plaît, ne me laisse pas tomber. "

IX. Octobre-novembre 1997 : emploi proposé aux Nations unies

Ayant appris qu'elle ne pourrait pas retourner à la Maison Blanche, Mlle Lewinsky chercha à obtenir l'aide du président pour trouver un travail à New York. Le président lui proposa un poste aux Nations unies. D'abord enthousiasmée, Mlle Lewinsky changea rapidement d'avis. Elle n'avait plus envie de travailler aux Nations unies et pressa le président de lui trouver un emploi dans le secteur privé. (...) Selon Mlle Lewinsky, le président lui dit : " Si j'avais su quel genre de fille tu étais en réalité, jamais je ne t'aurais fréquentée. " Il lui rappela également ce qu'elle avait promis : s'il voulait tout arrêter, elle ne lui causerait aucun ennui. Mlle Lewinsky aurait rétorqué : " Dis-moi à quel moment je t'ai causé des ennuis. " Le président lui répondit : " Je n'ai jamais été inquiet, je n'ai jamais pensé que tu pourrais faire du mal. "

(...) Selon Mlle Lewinsky, Mme Currie lui téléphona vers 8 h 30 pour lui dire que le président désirait la voir. Elle arriva à la Maison Blanche à 9 h 36 (...). Elle rencontra le président dans son cabinet de travail, où ils discutèrent de sa recherche d'emploi. Mlle Lewinsky dit au président qu'elle voulait travailler dans le privé, et il lui suggéra de préparer une liste des entreprises qui l'intéressaient à New York. Elle lui demanda si Vernon Jordan, un célèbre avocat de Washington (...), ami intime du président et très introduit dans les milieux d'affaires, pourrait l'aider à trouver du travail (...).

Durant cet automne 1997, Mme Currie demanda à John Podesta, le chef adjoint du personnel de la Maison Blanche, d'aider Mlle Lewinsky à trouver du travail à New York. Dans sa déposition, M. Podesta a déclaré que, lors d'un voyage présidentiel en Amérique latine, il avait approché William Richardson, à l'époque ambassadeur aux Nations unies, à bord de l'avion présidentiel, et lui avait suggéré de faire embaucher aux Nations unies une stagiaire de la Maison Blanche, (...) dont il avait oublié le nom (...).

Le 21 octobre, à 15 h 09, Mme Currie faxa le curriculum vitae de Mlle Lewinsky aux Nations unies (...). A 19 h 01, Mlle Lewinsky reçut un appel téléphonique provenant des Nations unies (...). Dans sa déposition, elle a affirmé avoir parlé directement à l'ambassadeur : " Je m'en souviens, car j'étais étonnée et très nerveuse. " L'objet de l'appel était de fixer un rendez-vous pour un entretien d'embauche (...). Contredisant Mlle Lewinsky, M. Richardson a déclaré que c'est son assistante, Mme Watkins, qui a parlé avec Mlle Lewinsky . Sa déclaration a été confirmée par Mme Watkins (...).

Le 30 octobre, la veille de l'entretien d'embauche avec l'ambassadeur, Mlle Lewinsky et le président se parlèrent à nouveau au téléphone. Elle qualifia la conversation de " discours d'encouragement " : " Il essayait de me donner confiance en moi et de me rassurer . " Il lui aurait aussi demandé de rappeler Mme Currie après l'entretien. Dans sa déposition, le président a indiqué qu'il avait entendu parler de cet entretien par Mme Currie, et non pas directement par Mlle Lewinsky.

Le 2 novembre,Mlle Lewinsky rédigea une lettre à l'intention de Mme Currie, pour demander ce qu'elle devrait faire au cas où elle recevrait une proposition des Nations unies : "  (...)Comme vous le savez, le poste aux Nations unies est censé être seulement un deuxième choix, mais du fait que VJ [Vernon Jordan] est en déplacement, c'est tout ce qu'on me propose en ce moment (...). Que dois-je dire aux gens de Richardson s'ils appellent cette semaine ? " Mlle Lewinsky demanda à Mme Currie de parler de son problème au président : "  (...)Peut-être pourriez-vous demander au " grand chef " ce qu'il veut que je fasse ? Ahhh... l'anxiété ! ". Elle mentionna aussi que le président avait promis de faire en sorte que Vernon Jordan l'aide à trouver du travail (...).

Le 3 novembre, avant d'avoir posté sa lettre, Mlle Lewinsky reçut la proposition des Nations unies (...).

F. - La proposition des Nations-Unies est refusée

Le 24 novembre, trois semaines après avoir reçu cette proposition, Mlle Lewinsky appela Mme Sutphen et demanda un délai de réflexion supplémentaire, car elle souhaitait suivre d'autres pistes dans le secteur privé. Mme Sutphen en fit part à l'ambassadeur Richardson, qui accorda volontiers un nouveau délai. Finalement, (...)le 5 janvier 1998, Mlle Lewinsky refusa le poste.

Le 2 novembre,Mlle Lewinsky rédigea une lettre à l'intention de Mme Currie, pour demander ce qu'elle devrait faire au cas où elle recevrait une proposition des Nations unies : "  (...)Comme vous le savez, le poste aux Nations unies est censé être seulement un deuxième choix, mais du fait que VJ [Vernon Jordan] est en déplacement, c'est tout ce qu'on me propose en ce moment (...). Que dois-je dire aux gens de Richardson s'ils appellent cette semaine ? " Mlle Lewinsky demanda à Mme Currie de parler de son problème au président : "  (...)Peut-être pourriez-vous demander au " grand chef " ce qu'il veut que je fasse ? Ahhh... l'anxiété ! ". Elle mentionna aussi que le président avait promis de faire en sorte que Vernon Jordan l'aide à trouver du travail (...).

Le 3 novembre, avant d'avoir posté sa lettre, Mlle Lewinsky reçut la proposition des Nations unies (...).

X. Novembre 1997 : montée de la frustration

[Le mois de novembre ne fut faste ni pour les ambitions professionnelles de Mlle Lewinsky, ni pour sa relation avec le président. Frustrée de rendez-vous avec ce dernier, elle n'avait pas vu aboutir sa recherche d'un travail à New York, malgré l'entremise de Vernon Jordan.]

A 8  h  50, le 5  novembre, (...) en disant à M.  Jordan son intention de s'établir à New York, Mlle Lewinsky a cité plusieurs sociétés où elle espérait travailler. M.  Jordan a dit qu'il avait parlé d'elle avec le président et qu'elle venait le voir " hautement recommandée ". (...)

Le 6  novembre, le jour suivant sa rencontre avec M.  Jordan, Mlle Lewinsky lui a écrit une lettre de remerciements : " J'ai été heureuse de découvrir que notre ami avait en vous un merveilleux homme de confiance ". (...) Jeudi 13  novembre, tandis que le président du Mexique, Ernesto Zedillo, se trouvait à la Maison Blanche, Mlle Lewinsky a rencontré très brièvement le président Clinton dans son bureau privé. [Cette visite, qu'elle-même a qualifiée d'" escapade hystérique " , faisait suite à une série de tentatives désespérées pour obtenir du président un rendez-vous. Deux jours auparavant, elle lui avait envoyé cette note] : " Voilà trois semaines que je te demande de bien vouloir être sensible à l'état dans lequel je me trouve à présent et de rester en relation avec moi. Au lieu de cela, tu me laisses écrire des messages en vain. Je ne suis pas une idiote. Je sais que ce qui se passe dans le monde prévaut, mais je ne pense pas t'avoir demandé quelque chose de déraisonnable. " (...) Après cette brève rencontre du 13  novembre, Mlle Lewinsky n'a pas revu le président avant le début de décembre. (...)

XI. 5-18 décembre 1997 : liste des témoins et recherche d'un travail

Le 5 décembre, les avocats de Paula Jones ont faxé une liste de leurs témoins potentiels - incluant Mlle Lewinsky - aux avocats du président. Le jour suivant, le président Clinton a vu Mlle Lewinsky au cours d'une rencontre imprévue pendant laquelle ils ont discuté du procès Jones. Quelques jours plus tard, Mlle Lewinsky a rencontré M. Jordan, qui lui a obtenu trois entretiens professionnels. (...) Le 18 décembre, elle demande au président comment les avocats de Paula Jones ont pu en savoir assez pour la placer sur la liste des témoins. Le président lui répond que l'information doit venir de Linda Tripp ou des gardes en uniforme. (...) Le président lui annonça qu'elle ne serait pas nécessairement citée à comparaître. Si jamais elle l'était, il lui suggérait de signer une déclaration écrite sous serment pour satisfaire la demande [de Mme Jones] mais de ne pas faire de déposition.

Le président recommanda à Mlle Lewinsky de contacter Mme Currie au cas où elle devrait comparaître. Il lui rappela aussi l'une de leurs histoires bien connue de la presse : elle " devait dire qu'elle se rendait [à la Maison Blanche] pour voir Mme Currie et que, de temps en temps, elle lui apportait des lettres quand personne ne se trouvait aux alentours. " (...) Au cours de son audition par le grand jury, le président a été interrogé sur cet entretien téléphonique. Il a déclaré, bien qu'il ne pût l'écarter, qu'il ne se souvenait pas d'un tel appel. Ce qui ne l'a pas empêché d'affirmer, au cours de l'examen du dossier Paula Jones : " Je ne lui ai jamais demandé de mentir. "

XII. 19 décembre 1997- 4 janvier 1998 : les cadeaux rendus

[Le vendredi 19  décembre 1997, Mlle Lewinsky a reçu une assignation à comparaître au procès de Paula Jones, prévu pour le 23  janvier 1998 à Washington. Son assignation faisait mention de divers documents et cadeaux offerts par le président, ce qui l'a tout particulièrement inquiétée. Elle a aussitôt prévenu M.  Jordan, conseiller et ami de M.  Clinton.

M.  Jordan en a fait part au président le jour même, et l'a surtout informé qu'il envisageait de mettre à la disposition de Mlle Lewinsky l'avocat Francis Carter. M. Clinton l'a remercié pour son aide, mais indique n'avoir qu'un vague souvenir de cette entrevue. Le 22 décembre au matin, Mlle Lewinsky rencontra pendant une heure Me  Carter. Elle lui aurait apporté quelques-uns des cadeaux offerts par le président. Lors de cette entrevue, elle affirma ne pas vouloir être mêlée à l'affaire Paula Jones, ni comparaître au procès. Elle souhaita se mettre en relation avec l'avocat de Bill Clinton afin de lui assurer qu'elle serait du côté du président.

Le 28 décembre, Mlle Lewinsky rencontra le président dans le bureau ovale à 8 h 30. Après que M. Clinton lui eut offert des présents, ils discutèrent du cas Paula Jones. Mlle Lewinsky dit au président qu'elle devrait peut-être ne plus garder chez elle les cadeaux précédemment offerts. Dans l'après-midi, Mlle Currie s'est rendue au domicile de Monica Lewinsky afin d'y prendre une boîte contenant les cadeaux. Mlle Lewinsky ne voulait pas les jeter car ils avaient pour elle une valeur sentimentale. Les placer sous le contrôle du président était une preuve de sa confiance. M. Clinton affirme ne pas avoir demandé à Mlle Currie de se rendre chez Monica Lewinsky. Le 31 décembre 1997, elle se débarrassa de 50 messages qu'elle avait adressés au président.]

XIII. 5-16 janvier 1998 : l'affidavit

[Le 7 janvier 1998, Monica Lewinsky signa un affidavit (déclaration écrite sous serment) à la demande expresse de son avocat pour ne pas avoir à aller témoigner dans le cadre de l'instruction Paula Jones. Elle y affirmait n'avoir " jamais eu de relations sexuelles avec le président ". Peu après, le 13 janvier, elle trouva un travail à New York dans un service de relations publiques chez Revlon après l'intervention de Vernon Jordan. Bill Clinton lui avait fait fournir une lettre de recommandation par le chef du personnel de la Maison Blanche.

Monica Lewinsky le poursuivait toujours de ses assiduités, le suppliant de lui accorder " au moins une fois un rapport sexuel ". Elle cherchait par ailleurs à convaincre Linda Tripp de parjure lors de sa déposition, lui assurant qu'elle serait couverte car " d'autres ont prévus de mentir ". ]

XIV. Du 17 janvier 1998 à maintenant : la déposition et les suites

[Appelé à témoigner le 17  janvier 1998 dans l'affaire Jones, le président fut interrogé sur Mlle Lewinsky. Témoignant sous serment, le président nia avoir eu des relations sexuelles avec elle. Le président assura qu'il n'avait vu Mlle Lewinsky qu'" à deux ou trois occasions " , alors qu'elle lui avait apporté une pizza et des documents. Il ne pouvait se rappeler s'il avait alors passé un moment seul avec elle. Il nia avec emphase avoir eu des relations sexuelles avec elle.

Le lendemain de la déposition, un dimanche, le président demanda à sa secrétaire particulière de venir le voir. Il lui suggéra d'être d'accord avec lui pour dire que lui et Monica Lewinsky n'avaient jamais été seuls, et qu'elle-même pouvait tout voir et tout entendre. Trois jours plus tard, le Washington Post publia un article intitulé " Clinton accusé de demander à ses conseillers de mentir ; Starr enquête pour savoir si le président a pressé une femme de nier une liaison aux avocats de Jones  ." Le président démentit les informations du Washington Post auprès de ses conseillers. Il en convoqua un, Sidney Blumenthal, dans son bureau et lui dit : " Monica Lewinsky est venue me voir et m'a fait des avances ". " Je l'ai repoussée " , ajouta le président, selon le témoignage ultérieur du conseiller. Bill Clinton poursuivit, en se plaignant : " Je me sens comme un personnage de roman. Comme un individu entouré par une force oppressante qui crée un mensonge à son sujet et qui ne peut pas s'en sortir . "

Dans les jours qui suivirent la parution de l'article, Bill Clinton accorda plusieurs entretiens à la presse, dans lesquels il continuait de démentir. A son ancien conseiller politique Dick Morris, il affirma néanmoins : " Oh, Dieu, c'est terrible... Je n'ai pas fait ce qu'ils ont dit, mais j'ai fait quelque chose avec cette fille... Et il se peut que j'en ai fait suffisamment pour ne pas savoir si je peux prouver mon innocence. Il se peut qu'il y ait des cadeaux. Je lui ai fait des cadeaux, et il se peut qu'il y ait des messages sur son répondeur . " Avec Dick Morris, Bill Clinton poursuivit les confidences : " Tu sais, depuis l'élection, j'ai essayé de me ranger, sexuellement je veux dire... Mais parfois j'ai dérapé et, avec cette fille, j'ai juste dérapé . "

Le 26  janvier, le président fit sa dernière intervention publique sur cette affaire avant plusieurs mois] : " Je veux dire une chose au peuple américain. Je veux que vous m'écoutiez. Je vais vous le répéter : je n'ai pas eu de relations sexuelles avec cette femme, Mlle Lewinsky. Je n'ai jamais dit à qui que ce soit de mentir, pas une seule fois. Jamais. Ces allégations sont fausses . "]
 

Onze motifs d'impeachment

Le bureau du procureur indépendant communique ici des informations importantes et plausibles selon lesquelles le président Clinton a fait obstacle à la justice dans l'affaire de harcèlement sexuel Jones-Clinton, en mentant sous serment et en dissimulant la preuve de sa relation avec une jeune stagiaire, employée à la Maison Blanche, Monica Lewinsky. Après la mise en œuvre d'une enquête fédérale sur les actions du président en janvier 1998, ce dernier a menti sous serment devant le grand jury et a fait obstacle à la justice lors de l'examen par ce grand jury.

Il existe aussi des informations importantes et plausibles selon lesquelles les actions du président concernant Monica Lewinsky constituent un abus d'autorité incompatible avec le devoir qu'a le président, de par la Constitution, de respecter fidèlement les lois.

Il existe des informations importantes et crédibles étayant les onze motifs possibles d'une procédure de mise en accusation pouvant conduire à la destitution (impeachment) :

1. Le président Clinton a menti sous serment au cours de l'action civile quand il a nié une liaison sexuelle, une relation sexuelle ou des rapports sexuels avec Monica Lewinsky.

2. Il a menti sous serment devant le grand jury sur sa relation sexuelle avec Mlle Lewinsky.

3. Afin d'appuyer sa déclaration mensongère concernant sa relation sexuelle, le président a aussi menti sous serment dans sa déposition sur le fait de s'être trouvé seul avec Mlle Lewinsky et sur les nombreux cadeaux échangés entre Mlle Lewinsky et lui.

4. Il a menti sous serment dans sa déposition à propos des discussions qu'il a eues avec Mlle Lewinsky sur l'implication de cette dernière dans l'affaire Jones.

5. Au cours du procès Jones, le président a fait obstacle à la justice et s'est entendu avec Mlle Lewinsky pour dissimuler ensemble la vérité sur leur relation en soustrayant à la justice les cadeaux dont les avocats de Mme Jones demandaient la présentation.

6. Au cours de l'affaire Jones, le président a fait obstacle à la justice et s'est entendu avec Mlle Lewinsky pour dissimuler ensemble la réalité de leur relation de la manière suivante : (1) le président et Mlle Lewinsky se sont entendus pour mentir sous serment dans l'affaire Jones sur leur relation sexuelle ; (2) le président a suggéré à Mlle Lewinsky de préparer une déclaration écrite sous serment qui, dans l'intérêt du président, reprendrait son témoignage sous serment et pourrait être utilisée afin d'éviter à l'un et à l'autre d'être interrogés sur leur relation sexuelle ; (3) Mlle Lewinsky a rédigé et signé ce faux témoignage écrit ; (4) le président a utilisé ce faux témoignage écrit lors de sa déposition, afin de tenter d'éviter les questions sur Mlle Lewinsky ; et (5) cela ayant échoué, le président a menti sous serment lors de sa déposition au procès sur sa relation avec Mlle Lewinsky.

7. Le président Clinton s'est efforcé de faire obstacle à la justice en aidant Mlle Lewinsky à obtenir un emploi à New York à l'époque où elle aurait été pour lui un témoin à charge si elle avait dit la vérité dans l'affaire Jones.

8. Il a menti sous serment dans sa déposition à propos de ses discussions avec Vernon Jordan sur l'implication de Mlle Lewinsky dans l'affaire Jones.

9. Il a cherché à influencer de façon abusive le témoignage de sa secrétaire personnelle, Betty Currie, dans les jours qui ont suivi sa déposition civile.

10. Il s'est efforcé de faire obstacle à la justice au cours de l'examen du grand jury en refusant de témoigner pendant sept mois et en mentant aux conseillers de la Maison Blanche, sachant qu'ils reprendraient ses fausses déclarations devant le grand jury - trompant ainsi le grand jury et entravant son action.

11. Le président Clinton a abusé de l'autorité que lui donne la Constitution en (1) mentant à l'opinion publique et au Congrès en janvier 1998 sur sa relation avec Mlle Lewinsky ; (2) promettant à l'époque de coopérer pleinement à l'examen du grand jury ; (3) refusant ensuite de répondre à six convocations à témoigner de son plein gré devant le grand jury ; (4) invoquant le privilège de l'exécutif ; (5) mentant devant le grand jury en août 1998 ; et (6) mentant de nouveau à l'opinion publique et au Congrès le 17 août 1998 - tout cela dans le but d'entraver, d'empêcher et de détourner une éventuelle demande d'informations du Congrès des États-Unis. (...)

La preuve que le président Clinton a menti sous serment
dans l'affaire civile

1. Les déclarations sous serment du président Clinton concernant Monica Lewinsky

Lors de la communication des pièces du dossier à l'audience, les avocats de Paula Jones ont soumis au président des questionnaires écrits. L'un d'eux demandait :

" Veuillez indiquer les nom, adresse et numéro de téléphone de chacune des employées fédérales avec lesquelles vous avez eu des rapports sexuels au cours de votre présidence. "

Le questionnaire ne définissait pas le terme de " rapports sexuels ". Le juge Wright a intimé au président l'ordre de répondre à ces questions, et, le 23 décembre 1997, faisant un faux serment, le président Clinton a répondu : " Il n'y en a pas eu. "

Le 17 janvier 1998, lors de la déposition du président, les avocats de Mlle Jones lui ont posé des questions précises concernant une éventuelle activité sexuelle avec Monica Lewinsky. Les avocats ont, dans leurs questions, utilisé divers termes, dont ceux de " liaison sexuelle ", de " relation sexuelle " et de " rapports sexuels ". Les termes de " liaison sexuelle " et de " relation sexuelle " n'ont pas été explicités par les avocats de Mlle Jones. Les termes de " rapports sexuels " ont été définis :

Pour les besoins de cette déposition, une personne a des " rapports sexuels " lorsqu'elle établit sciemment ou provoque [...] un contact avec les parties génitales, l'anus, l'aine, les seins, l'intérieur des cuisses ou les fesses d'une autre personne dans l'intention de susciter ou de satisfaire le désir sexuel [...]. Par " contact " s'entend le toucher intentionnel, qu'il soit direct ou à travers les vêtements.

Le président Clinton a répondu à une série de questions sur Mlle Lewinsky, au nombre desquelles :

- Avez-vous eu une relation extraconjugale avec Monica Lewinsky ?

- Non.

- Si Mlle Lewinsky disait avoir eu une liaison sexuelle avec vous dès novembre 1995, serait-ce un mensonge ?

- Ce n'est certainement pas la vérité. Ce ne serait pas la vérité.

- J'ai utilisé, je crois, le terme de " liaison sexuelle ". Afin que tout soit clair, avez-vous jamais eu de rapports sexuels avec Mlle Lewinsky, selon la définition de la première pièce à conviction de la déposition, telle qu'elle a été modifiée par la Cour ? (...)

- Je n'ai jamais eu de rapports sexuels avec Monica Lewinsky. Je n'ai jamais eu de liaison avec elle.

Interrogé par son propre avocat, le président Clinton a une nouvelle fois nié :

- Au paragraphe 8 de sa déposition écrite, Mlle Lewinsky dit : " Je n'ai jamais eu de relation sexuelle avec le président, il ne me l'a pas proposé, il ne m'a pas offert un emploi ou quelque autre avantage en échange d'une relation sexuelle, il ne m'a pas refusé d'emploi ou quelque autre avantage dans le cas ou je refuserais une relation sexuelle. " Cette déclaration est-elle exacte pour autant que vous le sachiez ?

- Cela est absolument vrai.

2. Le témoignage de Monica Lewinsky

Monica Lewinsky a témoigné sous serment devant le grand jury que, à partir de novembre 1995, alors âgée de vingt-deux ans, stagiaire à la Maison Blanche, elle a entretenu une longue relation avec le président, comportant une activité sexuelle importante. Elle a témoigné dans le détail des moments, des dates et de la nature de dix rencontres sexuelles impliquant un certain contact génital. (...)

Les dix épisodes sont rapportés ici parce qu'ils sont nécessaires pour déterminer si le président a menti sous serment, à la fois lors de sa déposition au procès, au cours de laquelle il a nié toute relation sexuelle, et lors de son témoignage devant le grand jury, où il a reconnu un " contact intime qui n'était pas convenable ", mais nié tout contact sexuel avec les seins ou les parties génitales de Melle Lewinsky. En lisant ce qui suit, gardons à l'esprit les dénégations sous serment du président.

Malheureusement, la nature de ces dénégations exige que la preuve du contraire soit présentée dans le détail. Si le président, lors de sa comparution devant le grand jury, avait reconnu l'activité sexuelle relatée par Mlle Lewinsky et admis avoir menti sous serment dans sa déposition au procès, ces descriptions minutieuses seraient superflues.

En fait, nous nous sommes abstenus d'interroger Mlle Lewinsky sous serment sur ces détails jusqu'à ce que le témoignage du président, le 17 août, rende nécessaires ces questions. Mais étant donné (1) les dénégations du président (2), ses affirmations répétées que sa déposition au procès était juridiquement exacte selon les termes et les définitions utilisées, et (3) son refus de répondre aux questions sur le sujet, ces détails sont décisifs. Ils donnent sa crédibilité au témoignage de Mlle Lewinsky et le corroborent. Ils démontrent aussi avec clarté que le président a menti sous serment à la fois dans sa déposition et devant le grand jury fédéral. Il existe des informations importantes et plausibles selon lesquelles les mensonges du président sur ses relations avec Melle Lewinsky sont nombreux et relèvent du calcul. (...)

Premier motif

La déposition détaillée de Mlle Lewinsky, ses déclarations préalables et concordantes à ses amis, sa famille et ses conseillers, la preuve que constitue le sperme du président sur la robe de Mlle Lewinsky établissent qu'elle et le président se sont engagés dans des activités sexuelles effectives entre le 15 novembre 1995 et le 28 décembre 1997.

Cependant, le président a juré sous serment au cours de son procès à la fois dans sa déposition et dans sa réponse écrite à un questionnaire qu'il n'avait pas eu de " relation sexuelle ", d'" aventure sexuelle " ou de " relations sexuelles " avec Mlle Lewinsky. De plus, il a nié s'être engagé dans une activité répondant à une définition plus spécifique des " relations sexuelles " utilisée au cours de la déposition.

Au cours de l'action civile, le président a fait cinq déclarations mensongères concernant la relation sexuelle. Pour quatre de ces cinq déclarations, le président choisit une défense sémantique : il déclare que les termes utilisés dans la déposition de Jones pour couvrir une activité sexuelle ne correspondent pas à l'activité sexuelle à laquelle il s'est livré avec Mlle Lewinsky. Pour les autres déclarations mensongères, il nie les faits : il remet en cause le récit de Mlle Lewinsky stipulant qu'il aurait touché ses seins ou son sexe au cours d'activités sexuelles.

Les dénégations du président, sémantiques et factuelles, ne résistent pas à l'examen. Ses déclarations concernant son interprétation d'une " relation sexuelle " sont contrecarrées par le fait que son avocat lui-même, quelques instants auparavant au cours de la même déposition, ramenait l'expression " relation sexuelle " à des " relations sexuelles en tous genres, quelles que soient la forme et la manière adoptées ". (...)

Dans une réponse à un questionnaire qui lui a été soumis avant sa déposition, le président nia avoir eu des " relations sexuelles " avec Mlle  Lewinsky (le terme n'a pas été défini). Là encore, la riposte du président à l'accusation d'avoir menti alors qu'il était sous serment repose sur sa définition des " relations sexuelles " qui nécessiteraient un rapport sexuel. D'après le président Clinton, des caresses bucco-génitales ne constituent pas des relations sexuelles.

Dans sa déposition civile, le président a nié avoir commis des actes répondant à la définition spécifique des " relations sexuelles " en vigueur dans le cadre de cette déposition. (...) Le président a nié s'être engagé ou avoir provoqué des contacts avec les parties génitales, les seins ou l'anus d'" une personne " avec l'intention d'exciter le désir sexuel d'" une personne ".

En ce qui concerne les caresses bucco-génitales, l'unique réponse du président à l'accusation d'avoir menti sous serment dans sa déposition tient à son interprétation d'" une personne " dans cette définition. Au cours de son témoignage, Mlle Lewinsky affirma qu'elle avait à neuf reprises pratiqué une fellation sur la personne du président. Le président déclara qu'au cours d'une fellation, il ne s'engageait dans aucun contact et n'en provoquait aucun avec les parties génitales, l'anus, l'aine, les seins, l'intérieur des cuisses ou les fesses d'" une personne " parce qu'en réalité " une personne " signifiait " une autre personne ". (...)

D'après l'interprétation qui a inspiré la déposition du président, si au cours d'une fellation l'une des personnes est engagée dans des relations sexuelles, l'autre ne l'est pas. (...) Comme il a été dit auparavant, Mlle Lewinsky a affirmé de façon crédible que le président avait à neuf occasions touché et embrassé ses seins nus, et qu'à quatre reprises il avait stimulé ses parties génitales. (...) Un fichier supprimé dans l'ordinateur personnel de Mlle Lewinsky contenait apparemment un brouillon de lettre adressé au président qui se référait explicitement à un contact direct avec ses parties génitales. Ce brouillon de lettre corrobore le témoignage de Mlle Lewinsky. (...)

A partir de ces éléments et en considérant les différentes réponses du président, nous avons là des éléments d'information crédibles et circonstanciés visant à prouver que le président a menti alors qu'il était sous serment dans sa déposition civile et sa réponse au questionnaire où il niait avoir eu une relation sexuelle, une aventure sexuelle ou des relations sexuelles avec Mlle Lewinsky.

Deuxième motif

Au cours de sa déposition devant le grand jury déjà citée, le président a menti sous serment à trois reprises. Il a déclaré qu'à sa déposition lors du procès Jones il croyait que les caresses bucco-génitales n'étaient couvertes par aucun des termes définissant l'activité sexuelle. Cette déposition n'est pas crédible. (...)

En tout état de cause, même si on ne tient pas compte de sa défense s'appuyant sur des définitions, le président a fait une deuxième déclaration mensongère devant le grand jury. Sa déposition contredit le témoignage de Mlle Lewinsky sur la question de savoir si le président touchait les seins ou les parties génitales de Mlle Lewinsky au cours de leurs activités sexuelles. (...) Si l'on examine bien les faits, ils parlent d'eux-même. Le président a menti au grand jury. (...)

Un fichier retiré de l'ordinateur personnel de Mlle Lewinsky contenait un brouillon de lettre faisant allusion à leur relation sexuelle. Le brouillon contient des phrases explicites comme " regarder ta bouche sur mes seins " et se réfère implicitement à un contact direct avec les organes génitaux de Mlle Lewinsky. Ce brouillon de lettre confirme la déposition de Mlle Lewinsky et indique que la déposition du président devant le grand jury est mensongère. (...) Comme l'a déclaré Mlle Lewinsky, cela suggère qu'elle et le président avaient passé " un contrat de services professionnels, j'aurais pratiqué des fellations et notre relation se serait résumée à cela ". Mais comme le prouvent ce document et les descriptions qui précèdent, la nature de leurs relations, relation sexuelle incluse, allait bien au-delà. (...)

 

Le président a fait une troisième déclaration mensongère devant le grand jury à propos de sa relation sexuelle avec Monica Lewinsky. Il a soutenu que leurs relations intimes n'avaient pas commencé avant 1996. Mlle Lewinsky a déclaré qu'elles avaient commencé le 15 novembre 1995, au cours des vacances du gouvernement, une déposition confirmée sept mois auparavant par des confidences à ses amis. Sur une photo de la Maison Blanche datée de ce soir-là, on voit le président et Mlle Lewinsky en train de manger une pizza. Les dossiers de la Maison Blanche indiquent que Mlle Lewinsky n'a pas quitté la Maison Blanche avant midi dix-huit et prouvent que le président était dans le bureau ovale jusqu'à midi trente-cinq. (...)

Pour toutes ces raison, nous avons là des éléments d'information crédibles et concrets qui portent à croire que le Président a menti au grand jury concernant sa relation sexuelle avec Monica Lewinsky.

Troisième motif

Le président a fait trois fausses déclarations sous serment lors de sa déposition civile touchant le fait de savoir s'il était resté seul avec Mlle Lewinsky.

Le président a menti lorsqu'il a dit " Je ne me rappelle pas " en réponse à la question de savoir s'il s'était jamais trouvé seul avec Mlle Lewinsky. Il a reconnu devant le grand jury s'être trouvé seul avec elle. Il est invraisemblable qu'il ne se soit pas souvenu de ce fait six mois plus tôt, surtout si l'on songe qu'ils étaient de toute évidence seuls au cours de leurs rapports sexuels.

Interrogé sur le fait de savoir s'il avait été seul avec Mlle Lewinsky dans le vestibule du bureau ovale, il a répondu " Je ne crois pas, à moins que nous n'ayons été en train de regagner la salle à manger du fond avec la pizza ". Cette déclaration était fausse, elle aussi : la plupart des rapports sexuels du président et de Mlle Lewinsky ont eu lieu dans ce vestibule (en d'autres circonstances, ils l'ont traversé pour gagner la salle à manger ou le bureau) et il est invraisemblable que le président ait oublié ce fait.

Lors de sa déposition civile, le président a suggéré qu'il ne se rappelait pas précisément avoir été seul avec Mlle Lewinsky dans le bureau ovale mais qu'il se rappelait de façon générale qu'elle avait pu lui apporter des " papiers à signer " lorsqu'elle travaillait au bureau des affaires législatives. Cette déclaration était fausse. Mlle Lewinsky ne lui a pas apporté de papiers dans un but officiel. Au contraire, cette expression fut l'une des " couvertures " fabriquées à l'origine par le président et Mlle Lewinsky pour dissimuler leur relation sexuelle. (...) Le président avait une raison évidente de mentir à cet égard. Il savait qu'il semblerait bizarre de la part d'un président de s'être trouvé seul si souvent avec une stagiaire ou un membre subalterne du personnel. (...)

Parce qu'un mensonge sur leur relation sexuelle était insuffisant pour empêcher d'autres questions, le président a aussi menti sur le fait de savoir s'il était resté seul avec Mlle Lewinsky - ou il a feint de ne pas se souvenir d'occasions précises. Il a déclaré lors de sa déposition civile ne pouvoir se rappeler s'il avait jamais fait un cadeau à Mlle Lewinsky ; qu'il ne pouvait se souvenir de lui avoir donné une épingle à chapeau bien que " certainement, j'aurais pu le faire " ; et qu'il n'avait reçu de cadeau de Mlle Lewinsky " qu'une ou deux fois ". En réalité, les preuves démontrent qu'ils ont échangé de nombreux cadeaux de diverses sortes pendant une longue période. (...)

Quatrième motif

Le président Clinton a menti sous serment dans sa déposition civile en répondant " Je ne sais plus " à la question de savoir s'il avait parlé avec Mlle Lewinsky de l'éventualité d'une déposition. En réalité, il en avait parlé avec elle à trois reprises dans le mois qui précéda sa déposition civile, comme l'a corroboré le témoignage de Mlle Lewinsky.

La raison du mensonge présidentiel sur ce point est évidente. S'il avait reconnu avoir parlé avec Mlle Lewinsky d'une possible citation à témoigner, il aurait du même coup prêté le flanc à une accusation de subornation de témoin. (...)

Cinquième motif

En analysant les preuves disponibles sur ce point, il faut aussi souligner que le président Clinton, apparemment, a eu le même comportement tant en ce qui concerne les cadeaux qu'en ce qui concerne le témoignage. Il est clair qu'il a menti sous serment et que Mlle Lewinsky a écrit une fausse déclaration sur le conseil du président. (...)Il y a donc lieu de croire que le président a tenté de faire obstruction à la justice en concourant à la dissimulation de preuves couvertes par la citation.

Sixième motif

Le président et Mlle Lewinsky se sont mis d'accord pour mentir tous les deux sous serment lorsqu'on leur demanderait s'ils avaient eu une relation sexuelle (entente pour faire obstruction à la justice ou commettre un parjure, en termes juridiques). De fait, cet accord tacite ou exprès pour livrer de faux témoignages a dû constituer une partie importante de leurs discussions de décembre et janvier, de crainte qu'un des deux ne témoigne sincèrement dans l'affaire Jones et n'incrimine du coup l'autre de parjure.

Le président Clinton a tenté de faire obstruction à la justice en suggérant que Mlle Lewinsky dépose par écrit ce qui lui éviterait de le faire en personne et " enfermerait " son témoignage sous serment, de même qu'il a tenté d'éviter les questions lors de sa propre déposition - tout cela pour empêcher la constitution de preuves dans le procès Jones contre Clinton. (...)

Septième motif

Quand une partie mêlée à un procès (ou à une enquête) fournit travail ou aide financière à un témoin, la question se pose de son éventuelle subornation. La question cruciale concerne l'intention de la partie en position d'autorité. Les preuves directes sont rarement disponibles. Il arrive même que le témoin obtenant l'emploi ignore qu'il le doit au désir de l'employeur de rester en bons termes avec lui pendant le procès à venir. Il peut en aller de même pour telle ou telle personne requise par l'intéressé pour fournir un travail au témoin et du même coup l'influencer : elles peuvent ignorer ses motivations et son dessein.

On peut inférer ce dernier d'après les preuves circonstancielles. En l'occurrence, le président a aidé Mlle Lewinsky dans sa recherche d'emploi à la fin 1997, à un moment où elle serait devenue un témoin nuisible pour lui dans l'affaire Jones si elle avait témoigné sincèrement. Le président n'a pas fait dans la demi-mesure. Son intervention est allée jusqu'à solliciter l'ambassadeur auprès des Nations unies, l'un des hommes d'affaires les plus importants du pays (M. Perelman) et l'un de ses principaux avocats (Vernon Jordan).

La question qui se pose est donc de savoir si les efforts présidentiels pour trouver un travail à Mlle Lewinsky avaient pour but d'influencer son témoignage ou seulement d'aider une ex-intime sans se soucier du témoignage.

Trois faits sont déterminants pour analyser ses actions : (1) la chronologie, (2) le fait que le président et Mlle Lewinsky avaient tous deux l'intention de mentir sous serment à propos de leur relation, et (3) le fait qu'il était vital pour le président que l'ancienne stagiaire mente sous serment.

C'est poussé au moins en partie par le désir de la garder " dans l'équipe " pour le procès Jones que le président a aidé Mlle Lewinsky à chercher un emploi.

Huitième motif

Dans sa déposition civile, le président a déclaré avoir parlé à Vernon Jordan au sujet du travail de Mlle Lewinsky. Mais comme le révèle le témoignage de M. Jordan et comme l'a quasiment reconnu le président lors de sa convocation ultérieure devant le grand jury, il a bien parlé à M. Jordan de l'implication de Mlle Lewinsky dans l'affaire Jones - y compris du fait qu'elle avait reçu une assignation, que M. Jordan l'avait aidée à trouver un avocat et qu'elle avait signé une déclaration par écrit niant toute relation sexuelle avec le président.

Etant donné leurs nombreux entretiens dans les semaines ayant précédé la déposition, il est incroyable que le président ait oublié le sujet de leurs conversations au cours de sa déposition civile. Ses déclarations du type " il semble que c'est ce qu'a dit Betty " ou " Je ne le savais pas " étaient plus que des omissions, mais bien des fausses déclarations délibérées.

Le motif du président pour faire de fausses déclarations à ce sujet dans sa déposition civile était évident. S'il admettait avoir parlé à Vernon Jordan tant de l'implication de Monica Lewinsky dans l'affaire Jones qu'au sujet de son emploi, on en viendrait inévitablement à s'interroger sur un lien entre le témoignage de Mlle Lewinsky et son emploi futur. Un tel aveu dans la déposition civile du président aurait sans doute incité les avocats de Mlle Jones à se pencher sur la question. Et il aurait suscité un examen public lors de la divulgation de la déposition.

Au moment de cette déposition, au surplus, le président avait conscience des problèmes potentiels que créerait la reconnaissance d'un lien entre ces deux sujets. Une enquête pénale et l'attention médiatique se sont focalisées, en 1997, sur une aide à l'emploi et des dons en argent apportés à Webster Hubbell en 1994. Les emplois et l'argent proposés à M. Hubbell par des amis et des donateurs du président avaient suscité de graves interrogations : cette aide était-elle destinée à influencer le témoignage de M. Hubbell dans l'affaire Madison ? Certains emplois de M. Hubbell avaient été inventés par Vernon Jordan, ce qui semble avoir incité derechef le président à obtenir l'emploi de Melle Lewinsky et son témoignage écrit par le truchement de Vernon Jordan.

Neuvième motif

Le président a plusieurs fois fait référence à Mlle Currie dans sa déposition civile en décrivant sa relation avec Mlle Lewinsky. Comme il l'a reconnu, beaucoup de questions sur Mlle Lewinsky étaient susceptibles d'être posées dans un avenir très proche. C'est ainsi que le président pouvait prévoir que Mlle Currie pourrait déposer ou être interrogée, voire qu'elle devrait préparer une déclaration écrite.

Le président l'a appelée peu après la déposition et il a rencontré Mlle Currie le lendemain. Il semblait " préoccupé " d'après cette dernière. Il l'a alors informée qu'on avait posé des questions sur Mlle Lewinsky pendant la déposition.

Les déclarations que lui fit le président le 18 janvier et à nouveau le 20 ou 21 janvier qu'il n'était jamais seul avec Mlle Lewinsky, que Mlle Currie pouvait toujours les voir ou les entendre et qu'il n'avait jamais touché Mlle Lewinsky - étaient fausses, mais cohérentes avec le témoignage donné par le président sous serment. Le président savait fausses ces déclarations lorsqu'il les rapporta à Mlle Currie. Sa suggestion qu'il s'efforçait tout simplement de se rafraîchir la mémoire en parlant à Mlle Currie n'a pas le sens commun : que Mlle Currie confirme de fausses déclarations ne pouvait en aucun cas rappeler les faits au président. Ainsi, il n'est donc pas plausible qu'il ait tenté de rafraîchir ses souvenirs.

Le témoignage présidentiel devant le grand jury étaie cette conclusion. Il a témoigné qu'en posant à Mlle Currie des questions comme " Nous n'étions jamais seuls, d'accord ? " et " Monica est venue me provoquer et je ne l'ai jamais touchée, d'accord ? ". Il souhaitait mettre une date sur les questions. Or, il n'a pas exprimé ce souci chronologique dans ses conversations avec Mlle Currie.

De surcroît, concernant certains aspects de l'incident, le président n'a pu fournir d'explication innocente, en témoignant qu'il ignorait pourquoi il avait posé certaines questions à Mlle Currie et en admettant qu'il " s'efforçait seulement de concilier au mieux les deux déclarations ". En revanche, si l'on tire la conclusion qu'impose la conduite présidentielle - qu'il tentait de s'assurer un témoin pour corroborer son faux témoignage de la veille - elle n'a plus rien d'insolite.

Le contenu des déclarations du président et le contexte dans lequel elles ont été faites nous fournissent une information substantielle et crédible : le président Clinton a cherché à tort à influencer le témoignage de Mlle Currie. Il s'agit d'une obstruction à la justice et d'une influence illégale sur un témoin.

Dixième motif

Le président a fait les déclarations erronées suivantes à ses collaborateurs : le président a dit à M. Podesta qu'il n'avait eu aucune relation sexuelle " d'aucune sorte " avec Miss Lewinsky " y compris orale ".

Le président a dit à MM. Podesta, Bowles et Ickes qu'il n'avait pas eu de " relation sexuelle " avec Melle Lewinsky. Il a dit à M. Podesta que " lorsque (Miss Lewinsky) passait, c'était pour voir Betty [Currie,NDLR]. " Le président a dit à M. Blumenthal que Miss Lewinsky " l'avait agressé et qu'il lui avait dit qu'une relation sexuelle était impossible entre eux et qu'elle l'avait menacé ". Le président a dit à M. Blumenthal qu'il ne se souvenait pas avoir téléphoné à Mlle Lewinsky, sauf une fois où il avait laissé un message sur son répondeur.

Lors de son témoignage devant le grand jury, le président a reconnu que ses déclarations à ses collaborateurs niant toute relation sexuelle avec Melle Lewinsky " avaient pu induire en erreur ". Le président savait aussi que ses collaborateurs risquaient d'avoir à témoigner sur ses rapports avec Mlle Lewinsky. Il s'attendait vraisemblablement à ce qu'ils répètent à tout enquêteur, y compris devant le grand jury, ses déclarations touchant Mlle Lewinsky.

Enfin, il refusa pour sa part de témoigner pendant plusieurs mois. Son silence et la tromperie de ses collaborateurs ont eu pour effet de donner une idée fausse des événements au grand Jury.

Le président affirme qu'en parlant à ses collaborateurs, il a choisi ses mots avec grand soin de telle sorte que sa déclaration soit à ses yeux littéralement vraie car il ne faisait pas référence au coït. Cette explication a été battue en brèche par le témoignage livré au grand Jury sur ses dénégations qui " avaient pu induire en erreur " et par le témoignage contradictoire apporté par les collaborateurs eux-mêmes - notamment John Podesta, qui déclare que le président a nié spécifiquement tout rapport oral avec Mlle Lewinsky.

En outre, le 24 janvier 1998, la Maison Blanche a publié des mémos pour le personnel qui réfutent l'argument présidentiel d'une vérité littérale. Ces mémos éclaircissent la conception du président : une relation incluant un rapport oral est " bien sûr " une " relation sexuelle".

Pour toutes ces raisons, on dispose d'informations substantielles et crédibles prouvant que le président a influencé illégalement les témoins pendant l'investigation du grand jury.

Onzième motif

Dans cette affaire, le président a fait et fait faire de fausses déclarations au peuple américain au sujet de sa relation avec Mlle Lewinsky. Il a aussi fait de fausses déclarations sur le point de savoir s'il avait menti sous serment ou autrement fait obstacle à la justice dans son affaire civile. En affirmant publiquement avec force en janvier 1998 " je n'ai pas eu de relations sexuelles avec cette femme " et que " ces allégations sont fausses ", le président a par ailleurs retardé une possible enquête du Congrès. Il l'a encore retardée en invoquant le privilège de l'exécutif puis en refusant de témoigner pendant six mois au cours de l'investigation du procureur indépendant. Il s'agit là de faits substantiels et crédibles pouvant constituer motif à impeachment.
 

La réfutation de la Maison Blanche

Voici les points principaux de la réfutation préalable opposée par les avocats du président Clinton au rapport du procureur Starr :

Le président a reconnu avoir commis une faute sérieuse, en ayant une relation inappropriée avec Monica Lewinsky. Il a assumé la responsabilité de ses actes et il a demandé pardon au pays, à ses amis, aux dirigeants de son parti, à ses ministres et, ce qui est le plus important, à sa famille.

1. Cette erreur privée n'est pas une action susceptible de provoquer une destitution. Une relation hors mariage est condamnable et le président admet cela. Mais ce n'est pas un crime, ni même un délit. La Constitution indique clairement que le Congrès peut destituer un président seulement pour cause de " trahison, corruption ou autres crimes ou délits ". Ces mots de la Constitution ont été choisis avec grand soin et après une discussion longue et approfondie.

2. Les " crimes et délits " ont une signification précise, aux yeux des rédacteurs de notre Constitution, il signifient une atteinte à notre système de gouvernement. La notion de destitution a été créée pour protéger notre pays contre un président qui utiliserait le pouvoir de ses fonctions contre la nation, contre le peuple américain, contre notre société. Elle n'a jamais été prévue pour permettre à un groupe politique d'évincer un président de ses fonctions pour une faute purement personnelle.

3. Souvenez-vous que ce rapport [du procureur Starr] est fondé uniquement sur des allégations obtenues par un grand jury, des pages et des pages d'allégations et de " preuves " supposées, qui n'ont jamais été vues par le président ou par ses avocats, et qui n'ont pas été soumises à un contre-examen ou à tout autre garantie traditionnelle.

4. Les grand jurys n'ont pas été institués pour rechercher la vérité. Ils ne sont pas faits pour assurer la crédibilité, la fiabilité, ni même la simple équité. Ils existent seulement pour inculper. Mais c'est la voie que le procureur indépendant a choisie pour fournir la " preuve " lui permettant de rédiger son rapport.

5. La loi définit très clairement le mensonge sous serment. Pour commettre un parjure, un individu doit faire sciemment une fausse déposition sous serment. Les réponses correctes au sens littéral ne sont pas des faux témoignages. Même si une réponse ne répond pas directement à la question posée, elle ne constitue pas un faux témoignage si elle est vérace, aucun accusé n'ayant l'obligation d'aider son accusateur. Les réponses à des questions fondamentalement ambiguës ne peuvent pas davantage être considérées comme des parjures. Et personne ne peut être convaincu de parjure sur le seul témoignage d'une unique autre personne.

6. Le président n'a pas commis de faux témoignage. Les fuites (illégales) du rapport suggérant que sa déposition a constitué un parjure ont décrit de façon fausse ce témoignage. D'abord, le président n'a jamais nié, au cours de sa déposition dans l'affaire Paula Jones, s'être trouvé seul à seul avec Mlle Lewinsky. Le président n'a jamais affirmé que sa relation avec Mlle Lewinsky était la même que celle qu'il avait pu avoir avec d'autres stagiaires. Au contraire, il a admis qu'il avait échangé des cadeaux avec elle, il savait qu'elle était à la recherche d'un emploi, il a reçu des cartes postales et des notes venant d'elle et connaissait d'autres détails de sa vie personnelle qui montraient à l'évidence qu'il avait une relation spéciale avec elle.

7. Le président a admis qu'il avait eu une relation sexuelle inappropriée avec Mlle Lewinsky. Dans une déposition destinée à un procès civil, il a donné des réponses limitées à des questions ambiguës. En droit, ces réponses ne devraient pas donner lieu à une inculpation pour faux témoignage. Etant donné que le président reconnaît sa relation [avec Mlle Lewinsky], le fait de rendre publiques des allégations scabreuses et salaces ne peut avoir pour but que de l'humilier et de le forcer à démissionner.

8. Il n'y a pas eu obstruction à la justice. Betty Currie [la secrétaire du président] a affirmé sous serment que Mlle Lewinsky lui avait demandé de garder par devers elle les cadeaux [du président] et que le président ne lui avait jamais parlé de ces cadeaux. Le président a admis avoir donné et reçu des cadeaux de Mlle Lewinsky quand la question lui a été posée. Le président n'a jamais demandé à Mlle Lewinsky de se débarrasser de ces cadeaux et il n'a jamais demandé à Mme Currie de les prendre. Nous estimons dans ces conditions que le témoignage de Mme Currie conforte celui du président.

9. Le président n'a jamais essayé d'obtenir un emploi pour Mlle Lewinsky après qu'elle eut quitté la Maison Blanche, de façon à influencer son témoignage dans l'affaire Paula Jones. Le président savait que Mlle Lewinsky n'aimait pas son travail au Pentagone après son départ de la Maison Blanche et a demandé au bureau du personnel de la Maison Blanche de l'aider dans sa recherche d'un emploi. Il n'a jamais demandé à qui que ce soit de l'engager et n'a jamais fait savoir qu'il voulait que cela se produise. Mlle Lewinsky n'a pas eu d'offre d'emploi venant de la Maison Blanche après son départ et il est clair que cela aurait été le cas si le président l'avait ordonné.

10. Le président n'a pas œuvré à l'obtention d'un entretien [d'embauche] entre Mlle Lewinsky et Bill Richardson, ni ne l'a aidée à s'entretenir avec Vernon Jordan [avocat d'affaires, ami du président]. Betty Currie a demandé à John Podesta [collaborateur du président] s'il pouvait aider Mlle Lewinsky dans sa recherche d'un emploi à New York, ce qui l'a conduit à avoir un entretien avec Bill Richardson [ambassadeur auprès des Nations unies], et Mme Currie l'a aussi mise en rapport avec un ami de longue date, M. Jordan. M. Jordan a indiqué expressément que tel était bien le cas et qu'en tant que personne privée, il était libre de donner n'importe quel conseil à qui que ce soit en matière de recherche d'emploi s'il le jugeait bon.

11. Il n'y a pas eu de subornation de témoin. Betty Currie ne devait pas normalement être appelée à témoigner dans l'affaire Paula Jones. Dans la mesure où elle n'était pas appelée à témoigner, il était impossible pour le président, dans une conversation avec elle, de se livrer à une pression sur témoin. Le président a témoigné qu'il n'avait en aucune façon tenté d'orienter les souvenirs de Betty Currie.

12. Il n'y a pas de " preuve fumante " [allusion à un épisode fameux de l'affaire du Watergate] de l'existence du memorandum que le président aurait remis à Mlle Lewinsky pour l'inciter à faire un faux témoignage. Le bureau du procureur indépendant a déclaré que ce memorandum était la " clé " de l'accusation. En fin de compte, Mlle Lewinsky a admis qu'elle avait écrit elle-même (ou avec l'aide de Mme Tripp) ce memorandum, et aucune question n'a été posée au président à ce sujet lors de sa comparution devant le grand jury.

13. L'invocation des privilèges présidentiels ne constituait pas un abus de pouvoir. L'affirmation légale, par le président, de privilèges divers existants en matière de justice n'a été faite que sur l'avis de ses avocats, et a été dans une large mesure reconnue par les tribunaux. Ces revendications légales n'ont été faites que de façon limitée et en dernier recours après que toutes les voies de compromis proposées par les avocats de la Maison Blanche eurent été repoussées, et ce afin de protéger le noyau des intérêts constitutionnels et institutionnels de cette présidence et des présidences futures.

14. Ni le président ni la Maison Blanche n'ont joué un rôle dans les efforts légaux déployés par le " Secret Service " [l'agence chargée de la protection physique du président et de sa famille] pour empêcher ses agents de témoigner.

15. Le président n'a pas commis d'abus de pouvoir en laissant ses subordonnés répéter ses déclarations erronées concernant ses relations avec Mlle Lewinsky. Cette erreur privée ne constitue pas en elle-même un abus de pouvoir à caractère criminel.

16. Les actes des avocats de la Maison Blanche sont totalement restés dans le cadre de la loi.

 Tout ceci signifie que le rapport du procureur indépendant n'est rien d'autre qu'une description détaillée d'une relation sexuelle privée, rédigée en termes crus destinés à choquer. Etant donné le fondement fragile des accusations, il y a un manque complet de preuves crédibles permettant de déclencher une enquête préliminaire visant à la destitution du président. Et le but principal de cette enquête, et du rapport du procureur indépendant, est d'embarrasser le président et de titiller le public en produisant un document qui n'est à peu près rien d'autre que le récit partial et dépourvu de fiabilité d'une conduite sexuelle individuelle.

Où en est l'affaire Whitewater [une faillite immobilière frauduleuse, dans l'Arkansas, à laquelle ont été indirectement mêlés Bill et Hillary Clinton] ? Le rapport ne contient aucun élément permettant d'accuser le président de malversations, alors que M. Starr a passé quatre ans à enquêter à ce sujet. Ce qui avait commencé comme une enquête sur une affaire immobilière vieille de 24 ans dans l'Arkansas a abouti à une enquête sur une relation brève et inappropriée entre le président et Monica Lewinsky. En dépit du caractère exhaustif de l'enquête du procureur indépendant dans l'affaire de Whitewater, dans les dossiers du FBI et dans l'affaire du bureau de voyages de la Maison Blanche, et en dépit d'un flux constant de nouvelles dans les médias au fil des ans suggérant l'existence d'une méconduite, le procureur indépendant n'est jamais parvenu à convaincre le président ni la première dame des États-Unis d'une quelconque malversation.